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Mali-Burkina Faso : Quand les malheurs rapprochent

Abir Taleb , (avec Agences) , Samedi, 04 mars 2023

Bannis des organisations régionales après des coups d’Etat, cibles de sanctions et en proie à une menace terroriste persistante, le Mali et le Burkina Faso évoquent une possible fédération. Un projet encore hypothétique.

Mali-Burkina Faso : Quand les malheurs rapprochent
(Photo : AFP)
Qu’ont en commun le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ? A priori, les trois pays, qui ont vécu ces dernières années des changements de régime par putschs, sont tous sous le coup de sanctions de la Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et sont suspendus de cet organisme régional, mais aussi de l’Union Africaine (UA). De là à créer une fédération … Tous les ingrédients ne sont certainement pas réunis. Depuis début février pourtant, après une rencontre tripartite inédite à Ouagadougou, les bruits courent à ce sujet.

Pour le moment, c’est le premier ministre burkinabé, Apollinaire Kyélem, qui en parle le plus. Et c’est entre le Mali et le Burkina Faso que le rapprochement semble se faire le plus. Les deux pays entretiennent une relation de proximité et suivent pratiquement la même trajectoire : coups d’Etat, menace terroriste et rejet de la présence française. Après une visite du premier ministre burkinabé, Apollinaire Kyélem, de Tambela à Bamako fin janvier, le premier ministre malien, Choguel Maïga, était à Ouagadougou du 23 au 26 février pour concrétiser le rapprochement.

Pour créer une fédération, les deux Etats doivent « mettre en place un appareil administratif et politique adapté », a souligné, vendredi 24 février, le chef du gouvernement burkinabé, selon lequel la visite de son homologue malien est surtout l’occasion de poser les jalons d’une fédération entre les deux Etats, tous deux confrontés à la violence djihadiste. « Nous ne sommes pas sûrs, mais nous envisageons une fédération entre les deux pays », avait-il dit le 2 février à Bamako.

Du côté du premier ministre malien, la priorité reste la sécurisation des deux pays. Le Burkina Faso et le Mali ont décidé, a expliqué Choguel Maïga, de se consacrer à la lutte pour la paix de leurs populations. Cela passe par « la sécurité physique, alimentaire et éducative », a-t-il déclaré. Les deux parties ont en outre annoncé la mise en place d’un nouveau partenariat de coopération dans le domaine de la sécurité et de la protection civile. « Aucune armée étrangère ne viendra combattre à notre place », a déclaré Maïga, poursuivant : « Nous sommes sûrs que le terrorisme sera vaincu au Sahel. Nous allons gagner la guerre avec nos armées ». « Nous sommes prêts à partager notre expérience, nos idées et nous enrichir des idées et des expériences des autres, surtout de nos frères avec lesquels on a le même objectif », a-t-il également ajouté.

Il semble donc que l’idée d’une fédération à proprement dit soit mise de côté et que les deux pays envisagent surtout une coopération nouvelle, dans laquelle la Guinée pourrait être elle aussi invitée. Car qui dit fédération, dit un long processus qui, à terme, mettra un terme à la souveraineté des deux Etats et créera une capitale, une monnaie et un gouvernement uniques aux deux Etats fédérés.

Instabilité chronique

Or, aussi bien au Mali qu’au Burkina Faso, une partie du territoire échappe à l’autorité de l’Etat en raison des violences djihadistes. Et c’est justement la menace djihadiste qui est à l’origine de l’arrivée au pouvoir de militaires dans les deux pays. C’est aussi la persistance de la menace terroriste qui est à l’origine, dans les deux pays, des demandes de retrait des forces françaises, qui, selon Bamako et Ouagadougou, n’ont pas réussi à combattre le terrorisme. Depuis 2015, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences djihadistes. Elles sont d’abord apparues au Mali et au Niger quelques années plus tôt et se sont étendues au-delà de leurs frontières. Et depuis que la force française Barkhane, mi-2022, est partie de la zone dite des trois frontières, la situation est devenue plus alarmante. Ce qui n’a pas empêché le Burkina Faso de demander à son tour le départ des Français. Ce retrait a été définitivement acté la semaine dernière. Une semaine particulièrement violente : le 22 février, au moins 12 membres des Volontaires pour la défense de la patrie, des supplétifs de l’armée, ont été tués lors d’une attaque perpétrée dans le nord du Burkina. Quelques jours auparavant, 70 soldats avaient perdu la vie dans deux autres attaques dans le nord, dont l’une a été revendiquée par Daech. Dans la foulée, Ouagadougou a annoncé un « recrutement exceptionnel », du 28 février au 7 mars, de 5 000 jeunes militaires du rang devant servir l’armée « au moins cinq ans », dans le cadre de la lutte antidjihadiste. Au Mali également, les attaques ne s’arrêtent pas : le 23 février, 13 civils sont morts dans une attaque imputée à des djihadistes dans le centre du pays.

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