Yellen vante un partenariat « gagnant-gagnant » entre les Etats-Unis et l’Afrique. (Photo : AP)
Après des décennies de négligence, les tentatives des grandes puissances de se rapprocher de l’Afrique, plus grand continent en développement, s’accroissent et la concurrence devient de plus en plus intense. Alors que la Chine et la Russie cherchent à augmenter leur influence économique, politique et militaire en Afrique, les Etats-Unis renforcent leurs liens pour défendre leur place au continent africain. C’est dans ce cadre que la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a entamé le 17 janvier une tournée africaine de 11 jours. Une visite qui intervient quelques semaines après la tenue, en décembre, du Sommet Afrique-Etats-Unis à Washington, durant lequel la Maison Blanche a annoncé des investissements à plusieurs milliards de dollars sur les années à venir.
Au Sénégal, première étape de la tournée avant la Zambie et l’Afrique du Sud, où Janet Yellen a notamment rencontré, vendredi 20 janvier à Dakar, le président Macky Sall, également président en exercice de l’Union africaine, et le ministre des Finances et du Budget, la responsable américaine a vanté un « partenariat gagnant-gagnant » entre les Etats-Unis et l’Afrique. « Les Etats-Unis sont pleinement engagés pour l’Afrique, avec l’Afrique », a-t-elle assuré, promettant un partenariat sur le long terme, et mutuellement bénéfique, pour « aider le continent à réaliser son énorme potentiel économique ». Concernant ses adversaires, la ministre américaine n’a pas manqué l’occasion de pointer du doigt la Russie. « L’agression barbare de la Russie contre son voisin est particulièrement ressentie par l’Afrique et ses populations. La guerre et l’utilisation de la nourriture comme une arme par la Russie ont exacerbé l’insécurité alimentaire », a-t-elle fustigé, alors que de nombreux pays africains se sont abstenus de condamner l’intervention de Moscou en Ukraine, surtout que la Russie entretient des liens militaires avec les autorités de certains pays comme le Mali et la République centrafricaine. Ce qui dérange certainement Washington.
Sur le plan économique, c’est la Chine qui est le plus grand concurrent des Etats-Unis en Afrique. A ce sujet, Yellen a pointé du doigt les pratiques de Pékin, très influente sur le continent, sur la question du surendettement qui freine les investissements. « Nous pensons que la communauté internationale, y compris la Chine, doit alléger la dette de manière significative pour aider les pays à reprendre pied », a-t-elle souligné. Et de vanter l’approche « différente » de Washington, qui, selon la responsable, met l’accent sur la transparence, la bonne gouvernance ou la responsabilité environnementale. Washington ne compte pas s’arrêter là : lors du Sommet Etats-Unis-Afrique, le président américain, Joe Biden, a promis qu’il se rendrait en Afrique subsaharienne en 2023, le premier voyage dans la région d’un dirigeant américain en une décennie. Les pays africains, de leur côté, attendent des actes après les annonces américaines de plus de 15 milliards de dollars d’investissements et de nouveaux partenariats commerciaux dans les années à venir. Difficile, selon Susan Page, ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Soudan du Sud et professeure à l’Université du Michigan. Interrogée par l’AFP, celle-ci estime que « tenir leurs promesses envers l’Afrique sera peut-être une lourde tâche pour les Etats-Unis qui passent par une crise financière sans précédent ».
Partenariat solide avec la Chine
Mais les critiques de Yellen à l’égard de la Chine ne semblent pas avoir grand écho en Afrique. Pékin est bien positionnée en Afrique, contrairement à Washington, absent pendant longtemps. En tournée africaine du 9 au 16 janvier, le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a souligné que son pays participait activement à l’initiative de suspension du service de la dette du G20. La Chine a signé des accords ou est parvenue à des consensus avec 19 pays africains sur l’allègement de la dette et elle a suspendu le plus de paiements du service de la dette parmi les membres du G20. La Chine s’est également engagée dans la résolution des problèmes de dette d’un certain nombre de pays, dont la Zambie, dans le cadre du G20, a-t-il ajouté.
Les chiffres le prouvent : les Etats Unis sont encore loin. L’Afrique représente moins de 2 % du total d’import-export des Etats-Unis, alors que ce pays affirme que le continent est son « partenaireclé dans les principales chaînes de valeur ». Le commerce américain avec l’Afrique diminue d’année en année, ce qui va à l’encontre du mantra ambitieux des Etats-Unis. Et selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, la valeur des exportations américaines globales vers le continent a chuté de 32,9 milliards de dollars en 2011 à 26,7 milliards de dollars en 2021, tandis que les importations sont passées de 93 milliards de dollars en 2011 à 37,6 milliards de dollars en 2021. Par contre, la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis 13 ans. Lors de sa tournée africaine, le chef de la diplomatie chinoise déclarait : « L’Afrique est une grande scène pour la coopération internationale plutôt qu’une arène de lutte pour les jeux des grandes puissances ». Pas si sûr.
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