L’accord a été signé sous l’égide de l’UA, après des discussions à Pretoria. (Photo : AP)
Après deux ans d’un conflit acharné, un accord de paix a été signé entre le gouvernement éthiopien et les autorités rebelles de la région du Tigré. L’accord, conclu mercredi 2 novembre à Pretoria en Afrique du Sud, où les deux camps discutaient depuis le 25 octobre sous l’égide de l’Union Africaine (UA), prévoit notamment une cessation immédiate des hostilités, un désarmement des forces rebelles du Tigré, l’acheminement de l’aide humanitaire vers le Tigré et le rétablissement des services de base (électricité, télécommunications, banques, etc.), dont la région est privée depuis plus d’un an. Mais l’accord ne précise pas les modalités du désarmement et n’aborde pas l’avenir des forces dont sont dotés les Etats régionaux du pays. Le texte n’a pas été publié, mais une déclaration commune lue publiquement par les délégations en révèle les grandes lignes.
En effet, l’accord laisse de nombreux points en suspens, comme la présence sur le sol éthiopien de l’armée de l’Erythrée voisine qui a apporté une aide cruciale au Tigré à l’armée éthiopienne. Malgré cette situation critique et inquiétante, le premier ministre, Abiy Ahmed, a annoncé que « dans les négociations en Afrique du Sud, 100% des idées proposées par l’Ethiopie ont été acceptées. Parmi les victoires obtenues (dans l’accord), la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ethiopie ont été acceptées par les deux parties, ainsi que le principe d’une seule force armée ».
De nombreuses zones d’ombre
Or, selon les analystes, cet accord est très fragile et peut voler en éclats facilement. « Les deux camps ont signé cet accord sous la pression de la communauté internationale et africaine. Pour eux, c’est plutôt une trêve, pas un accord de paix. Les deux camps ont besoin de temps pour s’organiser. Ils considèrent cet accord comme une chance pour revoir leurs comptes et recevoir des aides », explique Dr Mona Soliman, politologue. Elle ajoute : « Plusieurs questions ont été négligées, par exemple le rôle politique du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), qui dirigeait la région avant la guerre après avoir gouverné l’Ethiopie durant 27 ans, jusqu’à l’arrivée du premier ministre, Abiy Ahmed, en 2018. Autre question: les alliés du gouvernement fédéral, les forces de la région voisine de l’Amhara et Fano, occupent le Tigré occidental depuis deux ans ». Rattachée administrativement au Tigré, cette zone fertile est revendiquée comme terre ancestrale par les nationalistes amharas qui en font un casus belli. Mais pour le TPLF, elle n’est pas négociable.
Autre question, les garanties de sécurité offertes au TPLF, rappelant que les forces rebelles ne déposeront pas les armes en échange de vagues promesses, surtout que le premier ministre, Abiy Ahmed, a annoncé à plusieurs reprises qu’il refuse toutes les revendications des rebelles du Tigré.
« Les rebelles du Tigré estiment que leurs revendications sont légitimes, ils veulent un partage du pouvoir et des ressources. Pendant longtemps, la région du Tigré était privée de tous ses droits, elle était complètement négligée. Personne ne représentait cette région ni au gouvernement ni au parlement. Les rebelles veulent un vrai partage du pouvoir et le gouvernement éthiopien fait la sourde oreille », explique l’analyste.
Côté officiel aussi, l’inquiétude est de mise. Dès sa signature, le médiateur en chef de l’UA, l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, a averti: « Ce moment n’est pas la fin du processus de paix, mais son début. La mise en oeuvre de l’accord de paix (…) est essentielle ». De son côté, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé que « faire la paix va être très difficile après la guerre affreuse de ces deux dernières années dans le nord de l’Ethiopie ».
Sur le terrain, les autorités rebelles de la région éthiopienne du Tigré ont accusé, vendredi 4 novembre, l’armée d’Ethiopie d’avoir mené la veille une frappe de drone sur des civils, une information impossible à vérifier de source indépendante.
Ce jour-là marquait le deuxième anniversaire de la guerre extrêmement meurtrière entre le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités rebelles du Tigré qui a ravagé le nord de l’Ethiopie. C’est en effet le 4 novembre 2020 qu’a commencé le conflit au Tigré, quand Abiy Ahmed a envoyé l’armée fédérale arrêter les dirigeants de l’exécutif du Tigré qui contestaient son autorité depuis plusieurs mois. La guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le nord de l’Ethiopie, déplaçant plus de deux millions d’Ethiopiens et plongeant des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l’Onu.
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