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Burkina Faso : Transition à haut risque

Sabah Sabet , (avec Agences) , Mercredi, 12 octobre 2022

Les putschistes assoient leur pouvoir à Ouagadougou plus d’une semaine après le coup d’Etat. Ils devront mener une difficile transition en faisant face, en premier lieu, à la menace terroriste.

Burkina Faso : Transition à haut risque
Des manifestants brandissant le drapeau russe à Ouagadougou. (Photo : AP)

Avec ses 34 ans, le capitaine Ibrahim Traoré, auteur du dernier coup d’Etat qu’a connu le Burkina Faso, est désormais le plus jeune chef d’Etat au monde, après être devenu officiellement, mercredi 5 octobre, président du Burkina Faso, et ce, dans l’attente de la désignation d’un président de transition par des « Assises nationales ».

« Le président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) assure les fonctions de chef de lEtat, chef suprême des forces armées nationales », indique une déclaration intitulée « Acte fondamental », en attendant « ladoption dune charte de la transition ». Ce texte, adopté mercredi dernier, précise qu’en « attendant la mise en place des organes de la transition », le MPSR « est garant de lindépendance nationale, de lintégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de lEtat, du respect des traités et accords internationaux auxquels le Burkina Faso fait partie ».

Ibrahim Traoré a en outre reçu, le 4 octobre 2022, une délégation de la Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), venue évaluer la situation quelques jours après le putsch. Elle est repartie « confiante », selon l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, membre de la délégation et médiateur de la Cédéao pour le Burkina Faso. Comme signe d’apaisement avec la Cédéao et à l’issue de cette rencontre, le capitaine Traoré a assuré qu’Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris par son prédécesseur auprès de la Cédéao, notamment l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.

Le nouveau maître d’Ouagadougou a en partie justifié son coup de force en reprochant au lieutenant-colonel Damiba (son prédécesseur lui-même arrivé au pouvoir il y a huit mois par un putsch) « la dégradation continue de la situation sécuritaire ». Il a promis de faire « dans les trois mois » ce « qui aurait dû être fait dans les huit mois passés », une critique directe de son prédécesseur.

Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaëda et à Daech ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque 2 millions de personnes. Une majorité du territoire échappe au contrôle de l’Etat, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger. Traoré aura donc la lourde tâche de reprendre l’ascendant dans la lutte contre ces groupes djihadistes, qui ne cessent de gagner du terrain depuis qu’ils ont débuté leurs attaques en 2015.

L’ombre de la Russie ?

Cette situation sécuritaire est l’une des causes essentielles du sentiment anti-français. La semaine dernière, des manifestants brandissaient des pancartes hostiles à la France et favorables à la Russie. Ce qui a poussé certains à conclure à la « victoire » d’une aile pro-russe de l’armée burkinabé sur une autre aile pro-française.

« Malgré sa présence militaire, la France na pas pu éradiquer le terrorisme dans le pays, ni même le réduire, à tel point que des rumeurs circulaient sur le soutien de Paris à certains groupes terroristes dans la région du Sahel, doù ce sentiment hostile à la France », explique Mohamed Abdel-Wahed, expert sécuritaire et spécialiste de l’Afrique, en ajoutant que « le recours, par le Mali et la Centrafrique, au groupe russe Wagner a encouragé les Burkinabés à suivre la même voie ». Le nouveau président lui-même a laissé entendre qu’il était ouvert à une diversification des partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

De plus, le soutien explicite du fondateur du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, proche du Kremlin, est un signe, selon certains, pour un proche partenariat. Pour Paris, la Russie, quoique partenaire économique relativement mineur de l’Afrique en raison d’une faible complémentarité liée à son importance dans les matières premières, pousse résolument ses pions dans la zone d’influence française depuis une demi-douzaine d’années.

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