Al-Ahram Hebdo : Le 9 septembre 1999, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) a décidé de devenir l’Union Africaine (UA). Que signifie cette transformation et quels acquis a-t-elle apportés ?
Amira Abdel-Halim : Dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique et la fin de la Guerre froide, le continent africain a été complètement marginalisé. Le rôle international face aux guerres civiles qui touchaient une vingtaine de pays dont deux, la Somalie et le Liberia, gravement, était quasi absent. Ces facteurs ont poussé les Africains à chercher leurs propres solutions pour affronter leurs crises. Or, les principes de l’OUA se basaient sur la non-ingérence dans les affaires internes des pays, ainsi que la préservation des frontières héritées de l’époque coloniale. L’UA a donc été créée pour que les Africains trouvent des solutions africaines pour leurs problèmes. Le principe de non-ingérence qui a mené à des catastrophes a été annulé, notamment dans les cas de génocide, de violation des droits de l’homme et de crimes de guerre.
— Qu’est-ce qui a été accompli depuis ?
— L’UA, à travers le Conseil de paix et de sécurité, a prouvé son efficacité dans certaines crises comme en Somalie, au Darfour, etc. La vision de l’UA, c’est une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale. L’intégration accrue des Etats africains est le vrai moteur de la croissance et du développement économique de l’Afrique. Plusieurs initiatives ont été lancées dans cette optique dont la plus importante est celle de l’Agenda 2063.
Lancée en 2023, cette initiative a pour objectif de réaliser le développement à tous les niveaux et d’aboutir à une vraie intégration entre les pays africains. Les Africains insistent sur le fait réaliser un vrai développement de leur continent et une vraie intégration entre leurs pays, malgré les conflits et les crises qui frappent le continent et affectent certainement le rôle de l’UA.
— Aujourd’hui, quels sont donc les principaux défis qui entravent un meilleur fonctionnement de l’UA ?
— Outre les crises politiques, les conflits, l’insécurité alimentaire, les répercussions du changement climatique, le financement demeure un grand défi qui limite la performance de l’organisation. Avec 75 % du budget sous forme de donations, les décisions de l’UA manquent d’indépendance. Ce sont les pays européens et les Etats- Unis qui dirigent le processus sécuritaire et politique dans la plupart des cas.
— Quelles sont les solutions ?
— Si la question du financement est résolue, l’organisation sera bien plus indépendante. Donc, il faut qu’on cherche nos propres ressources. Par exemple, seuls 5 des 55 pays membres de l’UA contribuent au financement. Il faut donc des règlements qui obligent les membres à verser leur contribution. Je me demande aussi pourquoi l’UA ne cherche pas des sources d’autofinancement à travers la mise en place des projets. Le président rwandais, Paul Kagamé, avait proposé, lors de sa présidence de l’UA en 2018, de lever une taxe sur les importations, à hauteur de 0,2 %, auprès des pays membres de l’organisation pour subventionner l’UA. Cette mesure a été acceptée à ce stade par 22 pays seulement.
— Est-il possible pour les Africains de réaliser leurs objectifs à travers leur organisation ?
— On a la capacité de résoudre nos problèmes et on l’a déjà fait. Les dirigeants africains doivent accepter et respecter le rôle de l’UA, qui, à son tour, doit poser des outils de punition et de récompense. Nous présentons un poids avec 55 voix qui peuvent influencer les décisions prises aux Nations- Unies. Donc, il faut tirer profit de cette position et des tentatives de certains pays de se rapprocher du continent. En outre, on doit mettre une stratégie de suivi de toutes les décisions et les initiatives prises. La force de n’importe quelle organisation provient de la force de ses membres, s’ils sont puissants et unis, ils vont réaliser leurs objectifs. Malgré tout, les Africains insistent sur le fait de réaliser une certaine unité, de parler d’une seule voix et d’être un bloc international qui a son poids au monde.
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