Après 9 ans d’une intervention militaire au Mali contre les groupes extrémistes, la France et ses partenaires européens ont officialisé, jeudi 17 février, leur retrait militaire de ce pays sahélien, proie à la menace terroriste. Un départ rendu inévitable par les relations très tendues entre Paris et Bamako, et annoncé dans une déclaration conjointe lors d’une réunion à Paris tenue à la veille du sommet UE-UA. Les Européens ont souhaité toutefois rester engagés dans la région sahélienne et étendre leur soutien aux pays voisins du golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest. « Les militaires européens participant au groupement de force Takuba seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali », a souligné le président français, Emmanuel Macron. Le Niger héberge déjà une base aérienne et 800 militaires français. Selon la déclaration conjointe, les « paramètres » de cette réorganisation seront arrêtés « d’ici juin 2022 ».
« La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains (…). Nous sommes heureux que l’engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif », a déclaré le président sénégalais, Macky Sall, également président en exercice de l’UA, lors d’une conférence de presse commune avec le président Emmanuel Macron. Bamako, de son côté, a dit avoir « pris acte de la décision unilatérale » française et a demandé à la France d’opérer de retirer ses forces « sans délai », selon un communiqué. Bamako a cependant fait part de sa coopération avec les pays engagés dans Takuba.
Quelles conséquences ?
Mais quelles sont les conséquences d’un tel retrait ? Sur le plan interne, le risque est que les autorités de transition optent pour des négociations directes avec les groupes terroristes. L’idée est loin d’être nouvelle. Depuis l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, les autorités qui se sont succédé à Bamako ont toujours souhaité appliquer les recommandations formulées par la Conférence nationale d’entente en 2017, puis par le Dialogue national inclusif en 2019. Ces recommandations suggéraient notamment d’entamer des pourparlers avec les chefs djihadistes Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali. Le premier dirige le groupe Katiba Macina, tandis que le second est à la tête du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaëda. Et le pouvoir actuel au Mali s’inscrit dans le droit fil de ses prédécesseurs, estimant que les armes seules ne parviendront pas à mettre un frein à la spirale de la violence djihadiste.
De même, si elle a été poussée à ce retrait, la France ne veut pas laisser place à la Russie. « Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », et qui ont recours à « des mercenaires de la société (russe) Wagner », a fait valoir le président français, lors d’une conférence de presse tenue à Paris, aux côtés des présidents sénégalais, ghanéen et du Conseil européen.
Autre question : quelle forme prendra la lutte antiterroriste ? Si Paris a appelé de ses voeux une plus grande implication des pays du golfe de Guinée, tels que le Bénin, le Togo ou bien la Côte d’Ivoire, le président français mise avant tout sur le renforcement de son partenariat avec le Niger, qui abrite déjà la principale base aérienne de Barkhane, ainsi que le poste de commandement conjoint avec le G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Or, toute la question est de savoir désormais si le Niger sera un partenaire fiable. En effet, malgré les bonnes relations entre Paris et Niamey, le Niger est lui aussi gagné par le sentiment anti-français. Paris a aussi un autre allié sur lequel il compte : le Tchad, où une présence française sera maintenue. Mais le partenariat avec ces deux pays, aussi stratégique que fragile, n’est pas sans risque.
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