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Amani El-Taweel : Au Sahel, les défaillances de la lutte antiterroriste provoquent une instabilité politique

Sabah Sabet , Lundi, 07 février 2022

Insécurité et instabilité politique, retrait français et retour russe: l’Afrique de l’Ouest traverse une phase délicate. Eclairage avec Dr Amani El-Taweel, cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

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Al-Ahram Hebdo : Ces derniers mois, certains pays africains, surtout de la région de l’Ouest, ont été le théâtre de coups d’Etat, le Burkina Faso en est le dernier. Pourquoi ?

Amani El-Taweel : Traditionnellement, les coups d’Etat militaires sont une méthode de changement de pouvoir en Afrique depuis à peu près quatre décennies, en raison de la fragilité de l’Etat. Depuis les indépendances, il y a 202 putschs en Afrique. Les causes varient selon les circonstances du pays et de la région où il se situe. Par exemple, auparavant, les divisions ethniques constituaient l’une des raisons principales des putschs en Afrique. A cela se sont ajoutées d’autres facteurs. Les défaillances de la lutte antiterroriste provoquent une instabilité politique. C’est le cas pour le Burkina Faso, le coup d’Etat qui a eu lieu la semaine dernière est lié à la recrudescence de la menace terroriste, avec de plus en plus de victimes civiles et militaires, l’incapacité de l’Etat de mettre fin au terrorisme, et un sentiment de mécontentement général.

— Le cas du Mali est-il plus compliqué avec deux coups d’Etat militaires et une aggravation des relations avec la France et la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ?

— Ce qui est arrivé au Mali est dû à l’échec de l’opération militaire française Barkhane, entamée en 2013, suivie du retrait de la France en 2021. L’opération militaire française n’a pas mis fin au terrorisme, et la persistance de la menace a affaibli le régime, ce qui a causé deux coups d’Etat consécutifs. C’est ainsi que le Mali s’est orienté vers les négociations avec les groupes djihadistes qui se sont propagés dans la région. En outre, avec le retrait français, le Mali s’est tourné vers la Russie à travers la société Wagner. Or, ceci complique la situation et suscite un mécontentement occidental.

— La présence de mercenaires de la société Wagner renforce-t-elle le rôle russe dans la région ?

 

Amani El-Taweel
Le coup d’Etat qui a eu lieu la semaine dernière au Burkina Faso est lié à la recrudescence de la menace terroriste.

 

— La Russie veut certainement restaurer son influence et son positionnement dans le monde et dans la région à travers un rôle sécuritaire, et ce, dans le cadre des conflits d’influence mondiale. Cette présence a suscité la crainte de l’Occident. La France et les Etats-Unis en particulier tentent d’y faire face. Mais est-ce que la Russie va réussir ou non? La réponse est liée à de nombreux facteurs, aux interactions mondiales: quelle puissance va monter? Laquelle va s’affaiblir? Et tout cela dépend de la puissance politique, de l’influence stratégique et de la force économique.

— Avec ce qui se passe au Mali, témoigne-t-on d’un recul du rôle de la France en Afrique de l’Ouest, une région traditionnellement sous influence française ?

— Il est vrai que la France est un pays qui a longuement été influent en Afrique en général et au Sahel en particulier. Or, le Sahel fait toujours face au terrorisme, ce qui menace directement les intérêts et la position de la France, que ce soit du point de vue économique, politique ou stratégique. Actuellement, ces questions suscitent d’importants débats à l’intérieur de la France. Et la réponse n’est pas encore tranchée. Paris a dit vouloir « refonder » sa relation avec l’Afrique et est en train d’évaluer ses politiques dans la région, mais aussi la force du G5, censée prendre la relève dans la lutte antiterroriste. Mais ce qui sûr, c’est qu’il y a un recul général du rôle occidental dans la région, car il n’a pas réalisé de grands succès sur le terrain en matière de lutte antiterroriste.

— Face à ce recul, est-il illusoire de croire que les Africains peuvent, seuls, affronter la menace terroriste ?

— Si une coopération régionale a lieu, surtout avec les pays africains militairement forts, comme l’Egypte, le Maroc et l’Algérie, qui peuvent présenter un soutien militaire et d’entraînement à côté du soutien de l’Onu, les forces des pays concernés peuvent réaliser des succès. Il y a un élément important à ne pas négliger: les forces locales ne sont pas refusées par les populations comme celles étrangères. Le rejet de la présence de forces françaises et de l’intervention française a pesé lourd. Le refus de l’interventionnisme est ancré auprès de l’opinion publique. Mais parallèlement aux efforts militaires, une stratégie générale est nécessaire, incluant le développement, la culture et les médias. Et tout cela doit obtenir un soutien international .

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