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Le Mali mis au ban de la Cédéao

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 11 janvier 2022

Rejetant la prorogation des élections proposées par Bamako, les dirigeants de la Cédéao ont imposé de lourdes sanctions contre le Mali. Un coup dur.

Le Mali mis au ban de la Cédéao
L’objectif de la Cédéao est sans doute de frapper fort en espérant que ce nouveau coup amènera la junte au pouvoir à « céder ».

Le Mali n’en a sans doute pas fini avec ses peines. Alors que menace terroriste et insécurité planent toujours, et que la transition trébuche, le pays s’est vu infliger de nouvelles sanctions. Lors du sommet extraordinaire des dirigeants de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui s’est tenu dimanche 9 janvier au Ghana, le 8e consacré au Mali, des sanctions « très dures » ont été adoptées contre le Mali et la junte au pouvoir en raison du non-respect par cette dernière de l’échéance de février pour organiser des élections et ramener les civils au pouvoir. L’objectif de la Cédéao est sans doute de frapper fort en espérant que ce nouveau coup amènera la junte au pouvoir à « céder ».

Fermeture des frontières entre le Mali et les pays membres de la Cédéao, gel des actifs maliens au sein de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’ouest et dans toutes les banques commerciales de la région, suspension des transactions sauf pour les produits de première nécessité, des médicaments, des produits pétroliers et de l’électricité : telles sont les mesures adoptées par la Cédéao « avec application immédiate », comme moyens de pression. Les pays membres vont aussi rappeler leurs ambassadeurs au Mali. Un coup dur pour Bamako. « Ces sanctions seront appliquées immédiatement. Elles seront progressivement levées uniquement après l’obtention d’un chronogramme satisfaisant et finalisé », a expliqué la Cédéao dans un communiqué. Dans ce texte publié après la réunion de la Cédéao, les dirigeants de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest ont « regretté le manque de volonté politique des autorités de transition, qui a conduit à l’absence de progrès tangible dans la préparation aux élections ».

Bamako condamne

Sans surprise, les autorités maliennes ont « énergétiquement » condamné ces sanctions jugées « illégales » et accusé les membres de la Cédéao d’être « instrumentalisés » par des « puissances extrarégionales », sans les nommer. Dans un communiqué lu à la télévision par le porte-parole Abdoulaye Idrissa Maïga, le gouvernement malien de transition a promis de fermer à son tour ses frontières aériennes et terrestres avec les pays membres de la Cédéao, de rappeler ses ambassadeurs et a annoncé qu’il se réservait le droit de reconsidérer son adhésion à la Cédéao et à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (EMOA).

Pourtant, le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, avait dépêché, la veille du sommet, deux ministres auprès de la Cédéao. Dans le souci de « maintenir le dialogue et une bonne coopération avec la Cédéao », les envoyés maliens ont présenté « une nouvelle proposition » de calendrier au président en exercice de l’organisation, le chef de l’Etat ghanéen, Nana Akufo-Addo, a rapporté l’un des deux émissaires, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Pas convainquant, pour la Cédéao. Un haut responsable ghanéen, dont le pays assure actuellement la présidence de la Cédéao, a estimé que ce calendrier était « de la rigolade ». Car la transition prévue par la junte a été simplement raccourcie de cinq à quatre ans. La junte demandait initialement jusqu’à cinq ans, un délai « totalement inacceptable » pour la Cédéao. « Il signifie simplement qu’un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années ». Car des élections générales devaient initialement se tenir le mois prochain pour ramener les civils à la tête du pays. Mais les autorités de « transition » disent ne pas être capables d’honorer cette échéance, invoquant l’insécurité persistante dans le pays, en proie aux violences de toutes sortes et la nécessité de réformes, comme celle de la Constitution, pour que les élections ne souffrent pas de contestations, à l’instar des précédentes.

Instructeurs russes ou mercenaires de Wagner ?

De nombreux instructeurs russes ont été déployés au Mali ces dernières semaines, notamment sur la base de Tombouctou (nord) récemment quittée par les forces françaises, ont indiqué des responsables militaires maliens, en pleine querelle avec les partenaires internationaux sur le déploiement d’un groupe de mercenaires russes. Un de ces responsables a répondu par l’affirmative à la possibilité que ces instructeurs soient désormais au nombre d’environ 400 à travers le pays. Il n’y a donc plus de doute. Des militaires russes étaient déjà présents dans le pays, pour assurer la maintenance d’équipements par exemple, mais ils étaient très peu visibles en tant que tels. L’arrivée assumée d’un certain nombre d’instructeurs russes nourrit le soupçon largement partagé du recours par les autorités maliennes, malgré leurs dénégations, aux services du groupe paramilitaire russe Wagner. Les autorités maliennes ont jusqu’alors démenti un tel déploiement. Elles invoquent la présence de formateurs russes au même titre que de formateurs européens. Mais un responsable sécuritaire occidental, un diplomate africain en poste à Bamako et un élu local ont fait état auprès de l’AFP de la présence de mercenaires russes au Mali, sous le couvert de l’anonymat, compte tenu de la sensibilité du sujet. Un autre responsable malien, également sous le couvert de l’anonymat, a confirmé la présence « d’instructeurs militaires russes dans plusieurs parties du Mali ». « Vous parlez de mercenaires, C’est votre affaire. Pour nous, ce sont des instructeurs russes », a-t-il dit, alors qu’un responsable sécuritaire occidental a parlé de « quelques centaines de mercenaires russes de la société Wagner déployés sur le territoire malien entre le centre et le nord ».
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