Le conflit au Tigré a donné lieu à une crise humanitaire d’envergure. (Photo : AFP)
Massacres, violations, meurtres, famine et déplacements obligatoires. Des termes qui résument la situation dans la province du Tigré au nord de l’Ethiopie, et ce, 11 mois après le déclenchement du conflit opposant l’armée centrale de l’Ethiopie aux forces rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). La pire crise dans la région tout au long de cette année. L’Onu, ainsi que plusieurs instances humanitaires tirent la sonnette d’alarme, d’autant plus que la crise risque de s’étendre à l’ensemble du pays, voire plus : la haute commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a exprimé la semaine dernière son inquiétude face au risque que le conflit en Ethiopie ne s’étende à toute la Corne de l’Afrique. Côté américain, le président Joe Biden, qui a décrit ce conflit d’« une tragédie », a signé vendredi 17 septembre un décret qui permettra à son administration de prendre des sanctions contre les protagonistes du conflit s’ils ne s’engagent pas vers une solution négociée. Les premiers à réagir ont été les Tigréens. Dans un communiqué, le dirigeant de la rébellion, Debretsion Gebremichael, a exprimé dimanche 19 septembre son « appréciation pour les efforts cohérents et constructifs » des Américains. Mais sa position n’a pas changé : il a répété son accord pour des négociations immédiates, à condition que ses adversaires reviennent à leurs positions d’avant la guerre, c’est-à-dire notamment avant la conquête de certains territoires disputés par ses ennemis. Quant au premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, il a signé une longue lettre ouverte à Joe Biden dimanche. Se plaignant encore d’être incompris et calomnié et d’avoir affaire à des forces « terroristes », il a dit que l’Ethiopie « ne succomberait pas aux conséquences d’une pression conçue par des individus mécontents ».
Plusieurs fronts
Lancée le 4 novembre 2020, l’offensive de l’armée éthiopienne s’est enlisée. Dans les premières semaines de la guerre, l’armée fédérale était parvenue à contrôler l’essentiel de la province. Mais son retrait soudain, en juin, a changé la donne sur le terrain. Les Tigréens ont repris le contrôle de leur capitale et d’une grande partie de la province et se sont engagés dans une offensive hors de leur territoire. Sur la carte de l’Ethiopie, la ligne de front actuelle déborde des frontières du Tigré. D’abord à l’est, dans la région Afar, où la rébellion tigréenne s’est enfoncée en juillet de plusieurs dizaines de kilomètres en direction de la route stratégique par où l’Ethiopie s’approvisionne en pétrole depuis Djibouti, avant d’être finalement repoussée en août. Aujourd’hui, elle affirme qu’il n’y a plus de combats en Afar après un « retrait stratégique », d’après son porte-parole Getachew Reda.
L’essentiel des combats se déroule aujourd’hui dans l’Amhara, au sud du Tigré, dans plusieurs vallées. Au fil des semaines, les Tigréens y ont pris d’importants points stratégiques ou symboliques. Quant au front de l’ouest, vers le Soudan, il est encore calme. Les milices et les forces régionales amharas tiennent ce quart du Tigré, notamment la ville de Humera. Mais ce front pourrait se rouvrir prochainement : plusieurs sources y font état d’un retour au combat de l’armée érythréenne. Cité par France 24, René Lefort, chercheur expert de la Corne de l’Afrique, explique que les rebelles tigréens avaient deux objectifs principaux : couper le corridor vers Djibouti à l’est, qui représente 95 % du commerce extérieur éthiopien, et chercher un accès vers le Soudan, à l’ouest, à travers les zones contrôlées par les Amharas. Ce qui explique le risque réel de déstabilisation régionale.
Le conflit en chiffres
400 000 civils
souffrent de conditions proches de la famine au Tigré, dont 100 000 enfants qui encourent le risque de mourir de malnutrition.
1/4
De la population du Tigré vit en dessous du seuil de pauvreté.
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