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Ethiopie : Nouvelle phase dans le conflit au Tigré

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 27 juillet 2021

Forts de leurs récentes victoires, les rebelles tigréens portent leur offensive dans d’autres régions éthiopiennes. En réponse, le gouvernement tente de rallier d’autres communautés à l’armée.

L’Ethiopie est-elle au bord d’une guerre civile ? Une question qui s’impose avec les développement en cours dans le conflit armé qui se poursuit au Tigré entre l’armée fédérale éthiopienne et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), mais aussi dans d’autres nouvelles régions, et qui s’élargit avec l’intervention d’autres communautés éthiopiennes. Après la reprise, fin juin, de Mekelé, capitale de la région du Tigré, par les forces du TPLF, les combats entre les belligérants se sont intensifiés cette semaine, touchant d’autres provinces. Le TPLF, opposé au gouvernement éthiopien, porte désormais l’offensive dans l’Afar, une région à l’est du pays jusque-là épargnée par les combats. Afar, une région stratégique du nord-est du pays et qui relie l’Ethiopie au port de Djibouti, vitale pour ce pays enclavé, a témoigné la semaine dernière de nouveaux combats. « Nous ne cherchons pas de gains territoriaux. Ce qui nous intéresse, c’est de dégrader les capacités de combat de notre ennemi », assurait, lundi 19 juillet, le porte-parole des forces tigréennes, Getachew Reda, à l’agence Reuters. Et, selon les affirmations de l’Agence nationale éthiopienne de protection civile, citées à l’AFP, jeudi 22 juin, les combats ont fait au moins une vingtaine de victimes civiles et une dizaine de milliers de déplacés. Les affrontements entre les belligérants continuent aussi dans les districts d’Awra et d’Ewa, qui bordent le sud du Tigré et le nord de l’Amhara, deux zones où sévissent des milices alliées à l’un ou l’autre des deux camps.

S’agit-il d’une étape qui entrevoit un élargissement du conflit ? Pour éviter un tel scénario, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a appelé les différentes communautés du pays à soutenir l’armée fédérale contre les rebelles du Tigré. Six régions éthiopiennes lui ont répondu en annonçant envoyer des troupes pour soutenir l’armée fédérale. Aussi, les autorités de la région éthiopienne de l’Afar ont appelé, vendredi 23 juillet, la population à prendre les armes contre les rebelles du Tigré. En même temps, des dizaines de milliers de personne se sont rassemblées, vendredi 23 juillet à Addis-Abeba, pour manifester leur soutien au régime en déployant des banderoles décrivant le TPLF comme « le cancer de l’Ethiopie ».

Abiy Ahmed avait envoyé l’armée fédérale au Tigré en novembre 2020, après des mois de tensions, pour destituer les autorités régionales. Il accusait ces dernières d’attaques contre des camps de l’armée fédérale ordonnées par le TPLF. Abiy avait proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale, Mekelé. Mais les combats ont continué depuis, et ils ont récemment tourné en défaveur d’Addis-Abeba. Le 28 juin, les rebelles ont repris Mekelé, puis une grande partie du Tigré. Promettant de les repousser, M. Abiy Ahmed a mobilisé des forces régionales, venues notamment de l’Oromia, pour combattre aux côtés de l’armée fédérale.

Or, les combats en région Afar révèlent le risque d’une propagation au-delà du Tigré de la guerre qui a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, selon les Nations-Unies. La route qui relie l’Ethiopie au port de Djibouti, vitale pour ce pays enclavé, passe par la région Afar. Certains craignent que les rebelles tigréens ne cherchent à la bloquer. Getachew Reda, l’un de leurs porte-parole, a affirmé que tel n’était pas l’objectif de l’opération en Afar, sans toutefois l’écarter à terme. Couper la route de Djibouti représenterait un coup très dur à encaisser pour le camp du premier ministre, Abiy Ahmed. En contrôlant Afar et l’accès à la mer, le TPLF prendrait un avantage militaire certain sur Addis-Abeba.

Cette escalade a certainement son impact sur la situation humanitaire déjà désastreuse. Les combats dans l’Afar ont aussi perturbé l’acheminement de l’aide vers le Tigré. Dix véhicules du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ont ainsi été attaqués le 18 juillet, à une centaine de kilomètres de la capitale régionale, Semera, poussant l’agence onusienne à suspendre ses convois via cette route — laquelle était pourtant devenue vitale pour la livraison de l’aide humanitaire, ces dernières semaines, après la destruction, fin juin, de deux ponts cruciaux situés sur d’autres routes. Quelque 50 000 réfugiés sont actuellement hébergés dans des camps soudanais proches de la frontière, souvent dans des conditions sinistres alors que la saison des pluies s’installe et que leurs tentes de fortune sont régulièrement brisées par des vents violents.

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