Des manifestations ont été réprimées le 19 février à Mogadiscio. Depuis, les rassemblements sont interdits.
(AFP)
La somalie connaît une nouvelle crise politique depuis le 8 février, date de la fin de mandat du président Mohamed Abdullahi Mohamed, qui a passé quatre ans au pouvoir et qui refuse jusqu’à l’instant de le céder. Surnommé Farmajo, le chef d’Etat sortant tient toujours les rênes du pays, faute d’avoir organisé des élections. Le retard intentionnel du gouvernement, qui n’est pas parvenu à respecter l’échéance électorale du 8 février dernier, a suscité le mécontentement de l’opposition accusant le président d’avoir manipulé les commissions électorales pour se maintenir au pouvoir. Pourtant, la Constitution somalienne ne prévoit pas d’extension du mandat du président au-delà de 4 ans. « Expiré », « illégitime », c’est ainsi que l’opposition qualifie désormais le président sortant, dont elle ne reconnaît plus la légitimité, appelant les Somaliens à manifester. Mais face aux critiques, le gouvernement de Farmajo a serré la vis. A tel point que les manifestations menées par les chefs de l’opposition ont été réprimées par des coups de feu à Mogadiscio, la capitale du pays, vendredi 19 février. Et, depuis, les rassemblements ont été interdits. La raison officielle invoquée de cette interdiction est la crise sanitaire du Covid-19, mais sur place, la décision est vécue comme une tentative de museler les voix discordantes.
Dans un contexte de tensions et d’insécurité, la communauté internationale, qui craint une escalade de la situation, a tenté de trouver un accord entre les parties. Lundi 22 février, lors de la visioconférence trimestrielle du Conseil de sécurité de l’Onu, l’émissaire des Nations-Unies pour la Somalie, James Swan, y a appelé à un consensus dans ce pays pour tenir des élections « dès que possible » et éviter une escalade. Des pourparlers entre la présidence et les 5 Etats de la Fédération somalienne ont eu lieu, mais sans aboutir à une solution jusqu’à l’instant. Cité par RFI, Robert Kluijver, chercheur spécialisé sur la Somalie et les pays de la Corne de l’Afrique, explique qu’il existe un désaccord entre le président Farmajo et plusieurs présidents des Etats membres de la Fédération et que Farmajo s’efforce d’installer des régimes favorables à son pouvoir dans tous les Etats membres, en vue d’une éventuelle réélection. Selon le chercheur, les Somaliens aussi bien que les observateurs étrangers pensent que cet effort centralisateur du gouvernement fédéral va à l’encontre de l’esprit fédéral de dévolution des pouvoirs. En fait, depuis 2012, la Somalie n’arrive d’ailleurs pas à se mettre d’accord sur une Constitution définitive. « Il y a derrière tous ces conflits une autre réalité, bien perçue par les Somaliens: l’impasse actuelle permet à tous les acteurs politiques de rester au pouvoir, c’est pour cela, dit-on, que ces acteurs ne semblent guère pressés de résoudre cette crise », dit le chercheur. A cela s’ajoutent des facteurs externes. « La Turquie, qui possède la plus grande base militaire en Somalie, a des intérêts avec le président sortant, et c’est l’un des acteurs de cette crise politique », explique l’analyste et journaliste somalien Aaabi Farah Ossmane, interrogé par Nile TV, en ajoutant que pendant le mandat de Farmajo, la Turquie a pu réaliser beaucoup d’intérêts politiques et économiques et elle a pu s’installer dans un lieu stratégique dans la Corne de l’Afrique.
La Somalie, ce pays de la Corne de l’Afrique peuplé de 12 millions d’habitants, qui était en 1960 le seul Etat-nation véritable du continent avec un peuple, une langue et une même religion, a été plongée en 1991 dans une guerre civile sanglante après la chute du président Mohamed Siad Barré, parvenu au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat militaire en 1969. Depuis, elle n’a jamais retrouvé la stabilité .
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