Dans les camps de réfugiés installés à la hâte au Soudan voisin, les Ethiopiens attendent leur salut.
« Je suis heureux de vous annoncer que nous avons achevé les opérations militaires dans la région du Tigré ». C’est par ces termes que le premier ministre Abiy Ahmed a annoncé, samedi 28 novembre sur Twitter, sa victoire sur les combattants du Front de libération du peuple de la région dissidente de Tigré (TPLF). L’armée éthiopienne a affirmé « contrôler » cette région dissidente d’Ethiopie, dont sa capitale Mekele. Pourtant, cette victoire ne paraît pas définitive. Quelques heures à peine après cette annonce, les miliciens du Tigré ont tiré une série de roquettes sur Asmara, capitale de l’Erythrée, selon des sources diplomatiques. « A environ 22h13 le 28 novembre, il y a eu 6 explosions à Asmara », a écrit, dimanche, l’ambassade américaine en Erythrée sur son site. Deux diplomates basés à Addis-Abeba ont indiqué que plusieurs roquettes avaient visé, samedi soir, la capitale érythréenne, située à environ 130 km au nord du Tigré, ciblant, semble-t-il, l’aéroport et des installations militaires. En effet, c’est la troisième fois qu’Asmara, déjà ciblée vendredi 27 et mi-novembre, est visée par des roquettes tirées depuis le Tigré. Le TPLF avait revendiqué le premier tir, accusant l’Erythrée de prêter main-forte à l’armée éthiopienne, mais ne s’est pas prononcé sur les deux suivants. Ni l’Ethiopie ni l’Erythrée n’ont réagi. L’Erythrée, l’ennemi juré du TPLF, a contrôlé durant presque 30 ans l’appareil politique et sécuritaire en Ethiopie. Lorsque le TPLF était au pouvoir à Addis-Abeba, Ethiopie et Erythrée se sont affrontées dans une guerre meurtrière entre 1998 et 2000. Les deux pays sont restés à couteaux tirés jusqu’à ce que Abiy Ahmed devienne premier ministre en 2018, et fasse la paix avec Asmara.
Après ces tirs visant Asmara, une question se pose sur la capacité des milices et sur la véracité des déclarations selon lesquelles la région dissidente du Tigré est vraiment sous le contrôle d’Addis-Abeba. En fait, il n’était toujours pas possible de vérifier de manière indépendante si la ville était totalement sous le contrôle de l’armée fédérale, surtout que la région est coupée du monde depuis le 4 novembre, date du début de l’opération militaire, suite à l’organisation, au Tigré, en septembre, d’un scrutin régional qualifié « d’illégitime » par Addis-Abeba, puis l’attaque, début novembre, de deux bases de l’armée fédérale attribuée aux forces du TPLF, ce que dément ce dernier. Depuis le 4 novembre et l’attaque contre des bases des Forces de défense nationale éthiopiennes (ENDF) à Mekele, la capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l’ouest de la région, le TPLF et les autorités fédérales se livrent une guerre sans merci. Aucune négociation, aucun appel au calme ne semble arrêter l’escalade de violences dans laquelle sont lancées les deux parties.
40 000 réfugiés
Mais il semble que les dirigeants du TPLE n’abandonneront pas facilement. D’ores et déjà, ils démentent la chute de leur capitale et affirment même avoir abattu un avion militaire. « Les prochains enjeux-clés sont de savoir quelles intentions et quelles capacités les forces tigréennes ont à continuer la résistance armée », a déclaré, samedi 28 novembre, William Davison, analyste de l’International Crisis Group (ICG), interrogé par l’AFP. Il s’interroge également sur la façon dont les Tigréens vont « réagir face au gouvernement provisoire qui va être installé » par Addis-Abeba.
La chute de Mekele, ville de 500 000 habitants, et également le bastion des dirigeants tigréens, issus du TPLF, était un objectif majeur de la « dernière phase » de l’intervention militaire, qui inclut aussi l’arrestation des leaders tigréens, désormais « chassés » par l’armée et les remplacer par des « institutions légitimes ». Aucun détail n’a été fourni sur d’éventuels victimes ou dégâts. « Nous avons réussi à entrer dans la ville de Mekele, sans que d’innocents civils ne soient ciblés », a déclaré Abiy Ahmed, dans un communiqué diffusé par la télévision officielle éthiopienne EBC. Cette déclaration a été immédiatement suivie de celle du chef de l’armée, Berhanu Jula, affirmant également que l’armée « chasse les membres du TPLF qui se cachent ». Pourtant, selon des observateurs, plusieurs milliers de personnes sont mortes dans les combats et plus de 40 000 réfugiés ont franchi la frontière avec le Soudan, a affirmé, vendredi 27 novembre, le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR). Ils continuent d’arriver par milliers, venant chaque jour d’un peu plus loin, et vivent une situation humanitaire difficile.
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