La tension est montée d’un cran cette semaine en Ethiopie. Les forces gouvernementales se préparent à encercler la capitale de l’Etat du Tigré, tenue par les rebelles, et pourraient la bombarder pour contraindre les insurgés à se rendre. C’est en effet ce mercredi qu’expire l’ultimatum lancé dimanche 22 novembre par le premier ministre Abiy Ahmed aux dirigeants de la région dissidente du Tigré, les menaçant d’un assaut « impitoyable » s’ils ne déposaient pas les armes. « La route vers votre destruction touche à sa fin et nous vous demandons de vous rendre dans les prochaines 72 heures », a écrit Abiy Ahmed dans un communiqué adressé, dimanche 22 novembre, aux dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qui dirige la région. « Vous êtes à un point de non-retour. Saisissez cette dernière chance », a-t-il ajouté. « Les prochaines phases seront la partie décisive de cette opération, qui consiste à encercler Mekelle avec des blindés », a de son côté déclaré le même jour le porte-parole de l’armée fédérale, le colonel Dejene Tsegaye, sur la chaîne publique EBC, tout en ajoutant: « Nous voulons envoyer un message aux civils de Mekelle, sauvez-vous de tout attaque d’artillerie et libérez-vous de la junte. Après cela, il n’y aura pas de pitié ».
Or, sur le terrain, les informations sont contradictoires. Chaque partie déclare quelque chose, mais aucune des affirmations de l’un ou de l’autre camp ne sont vérifiables de source indépendante, le Tigré étant quasiment coupé du monde. Selon le régime, les forces fédérales du premier ministre, Abiy Ahmed, progressent dans leur direction, et ont déjà pris une série de localités à la suite de bombardements aériens et de combats au sol. Avant le lancement de l’ultimatum, le gouvernement a affirmé que l’armée avançait au nord de la capitale régionale, Mekelle. Le chef du TPLF, Debretsion Gebremichael, a répondu, dimanche 22 novembre, en promettant de livrer des « combats acharnés » pour freiner l’avance de l’armée éthiopienne. « Ils continueront à payer pour chaque mouvement », a-t-il déclaré à l’AFP. Il a aussi prévenu qu’une attaque sur Mekele ne marquerait pas la fin du conflit: « Tant que la force d’occupation sera au Tigré, les combats ne cesseront pas ». Le TPLF affirme aussi avoir repoussé l’armée fédérale hors de la ville d’Alamata, dans le sud, et avoir infligé encore de lourdes pertes aux soldats éthiopiens. Les rebelles du TPLF ont également indiqué qu’ils creusaient des tranchées pour défendre la capitale de leur région.
La confusion règne aussi au sujet du sort des civils: le TPLF a assuré, samedi 21 novembre, que des civils avaient été tués lors d’un « intense bombardement » d’Adigrat par l’armée éthiopienne. Le gouvernement affirme que l’opération militaire ne cible pas les civils. Aucun bilan précis des combats, qui ont fait au moins des centaines de morts depuis le 4 novembre, n’est disponible de source indépendante.
Un long conflit en perspective
Parallèlement à cette offensive, la police éthiopienne continue ses coups de filets. Les autorités affirment avoir arrêté 287 personnes suspectées de lien avec le Front de libération du peuple du Tigré. Addis-Abeba précise avoir saisi des armes au passage. Et le pouvoir fédéral a lancé un mandat d’arrêt contre 76militaires. Ces major-généraux, colonels ou encore capitaines, dont certains seraient retraités, sont eux accusés d’avoir « conspiré avec le TPLF dans le but de commettre une trahison ».
Autant de donnes qui annoncent un long conflit civil. « La bataille ne sera pas facile, car les forces du Tigré sont fortes et capables d’affronter les forces gouvernementales. La guerre risque de durer », explique Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, estimant que le gouvernement « devrait plutôt satisfaire certaines de leurs revendications au lieu de les combattre ».
Dans une tentative d’éviter que ce conflit ne prenne de l’ampleur et ne menace l’ensemble de la région, de nombreux pays et organisations internationales ont appelé au cessez-le-feu. Des appels systématiquement refusés par Addis-Abeba. Depuis le lancement de l’offensive, le 4 novembre, le président sud-africain, également président en exercice de l’Union africaine, a envoyé trois émissaires à Addis-Abeba avec deux objectifs: mettre fin aux combats et créer les conditions d’un dialogue national inclusif. Tentative bien accueillie par le TPLF mais rejetée par le gouvernement, Abiy Ahmed refusant de participer aux négociations avec le TPLF, qualifié de criminel.
En 2018, la désignation de ce dernier, un homme politique apparemment conciliant, au poste de premier ministre était censée mettre fin aux tensions. En réalité, elle a mis le feu aux poudres.
Lien court: