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Ahmed Kamel Zohery : Le rapatriement des djihadistes doit être organisé selon des accords entre les différents pays

Maha Salem, Mercredi, 11 novembre 2020

Dr Ahmed Kamel Zohery, spécialiste des affaires des mouvements islamiques au CEPS, revient sur les récentes attaques en Europe et sur la tournée du ministre français de l’Intérieur en Afrique du Nord.

Al-Ahram Hebdo : Quel est l’objectif de la tournée du ministre français de l’Inté­rieur, Gérald Darmanin, en Afrique du Nord ?

Ahmed Kamel Zohery : Cette visite inter­vient quelques jours après les attaques qui ont visé la France et qui ont été menées par des djihadistes. Elle a pour but de protéger les intérêts français en premier lieu. Il y a certes les appels au boycott des produits français, mais surtout, le groupe terroriste Daech a publié un communiqué jeudi dernier appelant tout le monde à attaquer les Français et à com­mettre des actes de vengeance contre les insti­tutions françaises de par le monde. Et d’autres groupes terroristes peuvent faire la même chose. La vague de colère et de tension chez les musulmans autour des caricatures est une atmosphère propice aux terroristes. Ils en pro­fitent pour influencer et recruter davantage de djihadistes. La France est consciente de ce danger et tente d’éviter d’être la cible de nou­velles attaques.

— Quel genre de coopération est-il pos­sible avec les pays du Sud de la méditerra­née dans la question délicate du rapatrie­ment des djihadistes ?

— Le rapatriement des djihadistes doit être organisé selon des accords entre les différents pays. Cette tournée est sans doute consacrée à cela, à préparer les articles de ces accords. En effet, la France va aider économiquement ces pays, aussi, une coopération sécuritaire aura lieu avec eux. Par exemple, une aide de 10 millions d’euros a été accordée à la Tunisie à l’occasion de cette visite, afin de lui fournir des moyens supplémentaires pour surveiller ses frontières.

— Et qu’en est-il des mécanismes de la lutte antiterroriste en Europe, suite aux attaques qui ont eu lieu la semaine dernière en France et en Autriche ?

— La majorité des pays européens ont rele­vé le niveau d’alerte terroriste après les atten­tats en France et en Autriche. Mais aucune décision concrète n’a été prise. En France, deux voies sont parallèlement adoptées. D’abord, sur le plan législatif, avec le projet de loi sur le séparatisme religieux. Mais ce projet de loi est critiqué par plusieurs parties au sein de la France. De l’autre côté, concrè­tement, les autorités françaises oeuvrent à lut­ter contre l’islam radical : par exemple, une mosquée et une association ont été fermées, accusées d’avoir des activités qui soutiennent le terrorisme. On s’attend aussi à ce que des mesures soient prises pour contrer l’entrée des illégaux et des djihadistes. Certains prédisent que la libre circulation prévue par les accords de Schengen soit remise en cause. Une fois de plus, l’immigration clandestine prendra la part du lion dans les prochaines rencontres européennes. Mais la France est aussi préoc­cupée par la défense de ses intérêts et de son influence au Moyen-Orient.

— Plus généralement, comment renfor­cer la lutte antiterroriste, en Europe ou ailleurs ?

— Il faut admettre que malgré toutes les précautions et les mesures qui peuvent être prises dans la lutte antiterroriste de par le monde, le risque zéro n’existe pas. L’effort fourni contribue à diminuer le nombre d’at­taques et à limiter les dégâts. En Europe, il est important d’oeuvrer à intégrer les immigrés et les réfugiés pour qu’ils ne soient pas recrutés par des groupes terroristes. Il est vrai que le droit international interdit de renvoyer les réfugiés vers des pays en guerre, comme la Syrie, le Yémen ou la Libye, mais les centres de détention administrative où sont placés les étrangers en situation irrégulière, en attente de leur expulsion, sont insuffisants et incapables de régler cette question. En fait, la lutte anti­terroriste passe aussi par le développement, il ne s’agit pas que de solutions sécuritaires.

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