Al-Ahram Hebdo : Quel est l’objectif de la tournée du ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en Afrique du Nord ?
Ahmed Kamel Zohery : Cette visite intervient quelques jours après les attaques qui ont visé la France et qui ont été menées par des djihadistes. Elle a pour but de protéger les intérêts français en premier lieu. Il y a certes les appels au boycott des produits français, mais surtout, le groupe terroriste Daech a publié un communiqué jeudi dernier appelant tout le monde à attaquer les Français et à commettre des actes de vengeance contre les institutions françaises de par le monde. Et d’autres groupes terroristes peuvent faire la même chose. La vague de colère et de tension chez les musulmans autour des caricatures est une atmosphère propice aux terroristes. Ils en profitent pour influencer et recruter davantage de djihadistes. La France est consciente de ce danger et tente d’éviter d’être la cible de nouvelles attaques.
— Quel genre de coopération est-il possible avec les pays du Sud de la méditerranée dans la question délicate du rapatriement des djihadistes ?
— Le rapatriement des djihadistes doit être organisé selon des accords entre les différents pays. Cette tournée est sans doute consacrée à cela, à préparer les articles de ces accords. En effet, la France va aider économiquement ces pays, aussi, une coopération sécuritaire aura lieu avec eux. Par exemple, une aide de 10 millions d’euros a été accordée à la Tunisie à l’occasion de cette visite, afin de lui fournir des moyens supplémentaires pour surveiller ses frontières.
— Et qu’en est-il des mécanismes de la lutte antiterroriste en Europe, suite aux attaques qui ont eu lieu la semaine dernière en France et en Autriche ?
— La majorité des pays européens ont relevé le niveau d’alerte terroriste après les attentats en France et en Autriche. Mais aucune décision concrète n’a été prise. En France, deux voies sont parallèlement adoptées. D’abord, sur le plan législatif, avec le projet de loi sur le séparatisme religieux. Mais ce projet de loi est critiqué par plusieurs parties au sein de la France. De l’autre côté, concrètement, les autorités françaises oeuvrent à lutter contre l’islam radical : par exemple, une mosquée et une association ont été fermées, accusées d’avoir des activités qui soutiennent le terrorisme. On s’attend aussi à ce que des mesures soient prises pour contrer l’entrée des illégaux et des djihadistes. Certains prédisent que la libre circulation prévue par les accords de Schengen soit remise en cause. Une fois de plus, l’immigration clandestine prendra la part du lion dans les prochaines rencontres européennes. Mais la France est aussi préoccupée par la défense de ses intérêts et de son influence au Moyen-Orient.
— Plus généralement, comment renforcer la lutte antiterroriste, en Europe ou ailleurs ?
— Il faut admettre que malgré toutes les précautions et les mesures qui peuvent être prises dans la lutte antiterroriste de par le monde, le risque zéro n’existe pas. L’effort fourni contribue à diminuer le nombre d’attaques et à limiter les dégâts. En Europe, il est important d’oeuvrer à intégrer les immigrés et les réfugiés pour qu’ils ne soient pas recrutés par des groupes terroristes. Il est vrai que le droit international interdit de renvoyer les réfugiés vers des pays en guerre, comme la Syrie, le Yémen ou la Libye, mais les centres de détention administrative où sont placés les étrangers en situation irrégulière, en attente de leur expulsion, sont insuffisants et incapables de régler cette question. En fait, la lutte antiterroriste passe aussi par le développement, il ne s’agit pas que de solutions sécuritaires.
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