Au Sahel, le boom aurifère aiguise les appétits. Que ce soit au Burkina Faso ou au Mali, dans les régions qui échappent au contrôle de l’Etat, des groupes armés – y compris des groupes djihadistes comme Jnim, autrement dit le GSMI (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) – veulent leur part du gâteau. Ils taxent les nombreux orpailleurs qui exploitent les mines artisanales.
« Cela devient une filière de financement, une filière qui reste secondaire par rapport à d’autres sources de financement, mais qui est indiscutablement en croissance », commente Mathieu Pellerin, analyste spécialisé du Sahel chez International Crisis Group et auteur d’un rapport sur ce sujet. Lorsque les mines sont situées dans les zones d’influence djihadistes, elles paient une taxe, simplement liée au contrôle de la zone par ces groupes.
Faire preuve de discernement
Dans la région de Kidal, certains groupes signataires des accords de paix comme la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) assurent la protection des sites aurifères artisanaux.
L’Etat malien, comme son voisin burkinabé, ne peut laisser durablement les groupes armés, djihadistes ou non, contrôler une partie de cette activité. Pourtant, la difficulté consiste à ne pas freiner l’orpaillage qui fait vivre 700 000 personnes au Mali et un million au Burkina Faso. Les Etats doivent donc, selon Mathieu Pellerin, faire preuve de discernement.
« Dans un contexte où les sources d’emploi se tarissent considérablement, du fait de l’insécurité, du fait de la réduction des activités économiques, c’est à ce moment-là que l’orpaillage prend son essor », explique-t-il. Puis de poursuivre : « Donc, c’est une opportunité, une soupape de sécurité socioéconomique considérable et sans pareil pour les populations sahéliennes. Et d’ailleurs, au nord du Mali, on peut légitimement s’interroger sur la simultanéité de la réduction des violences entre les groupes armés, ainsi que la baisse relative du banditisme, avec la découverte de l’or. Le tout est d’assurer un minimum de régulation dans les zones où c’est possible pour les Etats ».
Eviter que des filières entières ne tombent sous le contrôle des groupes armés
Une régulation, c’est d’abord un meilleur encadrement des activités d’orpailleurs. Ce à quoi s’emploient, depuis quelques années, les chambres des mines des pays sahéliens en créant notamment des couloirs d’orpaillage.
« Cela veut dire délivrer des cartes d’orpaillage, savoir qui opère et qui a le droit de revendre à travers les mécanismes de comptoirs aurifères, mais aussi des agréments pour autoriser la vente et l’export (de l’or). Ce processus de formalisation, c’est le minima requis pour commencer à savoir qui fait quoi dans ces régions et pour éviter que des filières entières ne tombent sous le contrôle des groupes armés », dit Mathieu Pellerin.
Les Etats doivent aussi veiller aux arbitrages entre les mines industrielles, souvent exploitées par de grandes compagnies, et les mines artisanales, et ce, afin de ne pas créer un sentiment de dépossession parmi les populations concernées.
Lien court: