
Manifestation de joie à Khartoum après la conclusion de l'accord. (Photo : Reuters)
Après des mois de protestations suivies par des semaines de négociations, la crise semble se dissiper au Soudan. Les meneurs du mouvement de contestation et le Conseil militaire sont tombés d’accord, samedi 3 août, sur une déclaration constitutionnelle, prévoyant la remise du pouvoir aux civils le 18 août. Signé dimanche 4 août, cet accord est le fruit de difficiles négociations sur la transition politique entre l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC), fer de lance de la contestation, et le Conseil militaire mis en place après la chute du président Omar Al-Béchir, le 11 avril. « Les deux délégations sont tombées pleinement d’accord sur la déclaration constitutionnelle », a annoncé Mohamed El Hacen Lebatt, médiateur mauritanien de l’Union Africaine (UA). L’annonce a provoqué des scènes de liesse à Khartoum. Des milliers de Soudanais sont donc descendus dans les rues de la capitale pour célébrer leur joie, un pouvoir civil étant une exigence-clé de la contestation après la destitution de Béchir.
La déclaration constitutionnelle s’ajoute à la déclaration politique convenue le 17 juillet dernier. Toutes deux forment l’accord global dont l’application marquera en principe le début d’une nouvelle ère dans ce pays dirigé pendant 30 ans par Omar Al-Béchir et meurtri par différents conflits. Selon les termes de la déclaration politique, un Conseil souverain composé de 5 militaires et 6 civils sera chargé de mener, avec un parlement, la transition pendant un peu plus de trois ans. Suite à cette déclaration, des réunions doivent se tenir pour régler des détails techniques et discuter d’une cérémonie de signature officielle de l’accord global devant des dignitaires étrangers, a déclaré à la presse le médiateur de l’UA. Selon Ibrahim Al-Amin, un leader de la contestation, le dernier accord porte sur des « questions sensibles relatives à la sécurité, à l’indépendance de la justice et sur les pouvoirs du gouvernement, de même que sur le Conseil souverain ».
En ce qui concerne les points en suspens, ils portaient sur les pouvoirs du conseil, le déploiement des forces de sécurité et l’immunité de généraux impliqués dans la répression, notamment la dispersion meurtrière du sit-in devant le siège de l’armée le 3 juin à Khartoum. Au moins, 127 manifestants avaient alors été tués, selon un comité de médecins proche de la contestation. Une enquête officielle a conclu à l’implication de paramilitaires des redoutées Forces de Soutien Rapide (FSR), lesquelles ont nié toute responsabilité. Selon le comité de médecins depuis le déclenchement du mouvement en décembre 2018, les victimes de la répression ont dépassé 250 morts. Les pourparlers entre les militaires et la contestation, prévus mardi 30 juillet, avaient été repoussés après la mort de 6 personnes, dont 4 lycéens, à Al-Obeid (centre), lundi 29 juillet, lors d’une manifestation contre les pénuries de pain et de carburants. Ces décès ont suscité une vague de réprobation dans le pays. Jeudi 1er août, 4 personnes réclamant justice lors d’un rassemblement à Omdourman, près de Khartoum, ont été tuées. Madani Abbas, un meneur de la contestation, a assuré que ceux qui ont commis des « violations » lors des manifestations devraient rendre des comptes et précisé qu’un « comité d’investigation indépendant » est prévu par la déclaration constitutionnelle.
Dirigées par Mohammed Hamdan Daglo, numéro deux du Conseil militaire, les FSR étaient un pilier du régime Béchir, avant de contribuer à sa chute. Elles sont accusées de terribles exactions, notamment pendant le conflit du Darfour (ouest) survenu en 2003. Déclenché par le triplement du prix du pain le 19 décembre dernier, les manifestations au Soudan s’étaient rapidement transformées en contestation du pouvoir.
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