
Malgré les obstacles, les Soudanais manifestent leur joie quant à la signature de l'accord. (Photo : AFP)
Comme prévu, la rencontre, qui devait être tenue vendredi 19 juillet entre le Conseil militaire et l’opposition soudanaise, a été reportée. Cette rencontre était censée discuter les points d’achoppement encore en suspens entre les deux parties, après que les deux camps avaient été parvenus, mercredi 16 juillet, à une « déclaration politique », un accord sur le partage du pouvoir entre l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC) et le Conseil militaire qui a succédé au président déchu Omar Al-Béchir, destitué en avril dernier. Considéré comme un premier pas vers un gouvernement civil — principale revendication des manifestants —, cet accord reste donc à être complété. Selon ce texte signé après de longues et d’acharnées négociations, un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils sera chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans. Les militaires présideront cette instance pendant les premiers 21 mois, les civils prendront la relève pour les 18 mois restants.
Essayant de commenter la suspension de la rencontre du 19 juillet, Omar Al-Digeir, un dirigeant de la contestation, a souligné qu'il s’agissait de réserves exprimées par trois groupes sur l’accord conclu deux jours auparavant. « Nous avons besoin de davantage de consultations pour parvenir à une position unifiée », a affirmé Omar Al-Digeir. Ces groupes rebelles avaient exprimé leur mécontentement dès la conclusion de l’accord, soulignant que des questions-clés, comme la nécessité d’amener la paix dans les zones de conflit et de venir en aide aux populations vulnérables, n’avaient pas été traitées. « Malheureusement certaines parties ont choisi de ne prêter aucune attention à ces questions et ont été de l’avant sans consulter leurs collègues », avait déclaré Abeba Gibril Ibrahim, chef du Front révolutionnaire soudanais qui comprend trois groupes rebelles. Ces groupes ont combattu les forces gouvernementales pendant plusieurs années dans les régions du Darfour, du Nil Bleu et du Kordofan-Sud. Ainsi, ils réclament que la « déclaration constitutionnelle » précise que les négociations de paix dans ces trois zones de conflit doivent être une priorité du futur gouvernement de transition et souhaitent avoir des représentants au sein de ce gouvernement. Ils veulent aussi l’extradition par le Soudan des personnes accusées de crimes par la Cour Pénale Internationale (CPI), notamment Omar Al-Béchir.
Plusieurs points de discorde
« Il est vrai que les deux camps sont parvenus à un accord sur le partage du pouvoir, mais il reste plusieurs points d’achoppement et beaucoup de détails qui peuvent entraver son application. Et ce sont justement les détails qui peuvent conduire à des obstacles dans l’application de l’accord », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. La liste des divergences demeure donc longue. L’un des points les plus sensibles des discussions qui étaient prévues ce vendredi est la question de l’immunité. Le Conseil militaire insiste sur le fait que ses représentants militaires dans le futur Conseil souverain bénéficient d’une immunité totale. Une revendication refusée par l’opposition, évoquant simplement la possibilité d’une immunité temporaire pour les militaires du Conseil souverain, limitée au temps de leur mandat dans cette instance de transition. « Si le Conseil militaire s’entête, cette question sera une pomme de discorde car tous les membres du mouvement de protestation refusent une immunité absolue », souligne Ibrahim Al-Amin, un des meneurs de la contestation. Mais pour l’autre camp, cette revendication est essentielle. Le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbachi, a affirmé qu’il n’y a pas de dispute sur l’immunité.
Autre point d’achoppement, durant les premières sessions des négociations en mai, les chefs de la protestation et les généraux s’étaient mis d’accord sur la formation d’un Conseil législatif de 300 membres, devant faire office de parlement de transition. Ils avaient convenu d’un quota de 67 % alloué à l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC), fer de lance de la contestation, au sein de ce parlement. Mais le Conseil militaire a ensuite réclamé la révision de ce pourcentage. « Cette question peut être réglée en s’assurant que 67 % des membres soient choisis parmi l’ensemble des membres du mouvement de contestation, y compris les groupes rebelles, les ONG et d’autres formations », explique Ibrahim Al-Amin.
Quant au point d’achoppement le plus épineux, il concerne les Forces de soutien rapide (RSF). Ces dernières sont accusées par les manifestants et les organisations de défense des droits humains d’avoir dispersé brutalement en juin dernier le sit-in des manifestants devant le QG de l’armée à Khartoum, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés, ce que les RSF démentent. L’ALC réclame leur retrait total, une revendication rejetée par le Conseil militaire.
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