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Ayman Shabana : Le règlement pacifique est la seule solution

Maha Salem, Mardi, 18 juin 2019

3 questions à Dr Ayman Shabana, professeur de sciences politiques, à la faculté des études africaines de l’Université du Caire, sur les défis à relever pour sortir de la crise au soudan.

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi la situation s’aggrave-t-elle de plus en plus ?

Dr Ayman Shabana : Cette période est très critique dans la crise soudanaise, mais les deux camps sont pressés d’en sortir. Déjà, les dernières négociations ont été rapides et concluantes, car elles ont abouti à des solutions concrètes sur certaines questions épineuses et difficiles. Une situation inédite, car dans les autres pays, les négociations peuvent durer des années, sans arriver à des solutions concrètes. C’est ce qui se passe dans la plupart des pays arabes, comme en Syrie, en Libye, au Yémen par exemple. Mais, au Soudan, le Conseil militaire et l’opposition sont parvenus à un accord pour créer trois conseils : suprême, exécutif et ministériel pour diriger la transition politique. Tout d’abord, le conseil exécutif sera composé à 67 % par des membres du Parti changement et justice, autorisé à accepter ou refuser n’importe quelle décision prise par le Conseil ministériel. Ce dernier, qui doit composer le nouveau gouvernement, choisira la plupart des ministres sans l’intervention du Conseil militaire. Autrement dit, l’opposition dominera ces deux conseils et aura la mainmise dans cette période critique. Quant au Conseil suprême, il sera responsable de la stabilité, de la sécurité du pays, des affaires étrangères et des relations avec la communauté internationale, africaine et arabe. A ce stade de la situation, l’opposition a refusé que ce conseil soit dominé par les militaires. Mais, l’opposition exagère, car le pays à besoin d’être sous contrôle de l’armée, forte et puissante. Elle exagère aussi car le Conseil militaire a déjà accepté la plupart de ses revendications, et doit donc réviser sa position. Car il ne faut pas oublier que le Conseil militaire est maintenant soutenu par la communauté internationale, africaine et arabe. Il est aussi soutenu par certains partis et mouvements soudanais. Alors, cette fois, l’opposition doit présenter des concessions pour arriver à des compromis. Cette attitude a poussé le Conseil militaire à camper lui aussi sur ses positions. Et au lieu de s’entretenir et d’arriver à un accord, les deux parties pressent pour faire adopter leur point de vue.

— Après ce blocage, comment peut-on régler cette crise ?

— Les deux camps rivaux doivent être raisonnables car le règlement pacifique est la seule solution. Et la table des négociations est l’unique moyen pour mettre fin au conflit, surtout dans un pays comme le Soudan. Il faut noter qu’il possède des dizaines de forces, des groupes et des mouvements armés, et il y existe déjà des conflits ethniques. Les larges frontières du pays facilitent l’étendue du chaos à l’intérieur et aussi chez ses sept voisins. Alors, il est non seulement menacé par les groupes djihadistes qui existent au Soudan, mais aussi par l’infiltration des extrémistes des pays voisins. En plus, chaque partie possède des armes. L’opposition doit présenter des concessions.

— Quel est le rôle qui doit être joué par la communauté internationale, l’Union africaine et les pays arabes ?

— La communauté africaine (UA) a déjà entrepris des actions, comme la suspension du Soudan jusqu’à l’établissement d’un accord de paix. Une décision soutenue par la communauté internationale et saluée par plusieurs organisations arabes et africaines. Cette décision est un soutien au Conseil militaire et lui donne une certaine légitimité. Et pour aider ces deux rivaux à s’entretenir, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a entamé une mission de médiation africaine. C’est le chef de l’Igad (autorité intergouvernementale pour le développement), organisation africaine responsable pour trouver des règlements pacifiques aux conflits qui ont éclaté sur le continent. Le premier ministre éthiopien est aussi connu par ses capacités à proposer des compromis satisfaisants. Il est vrai que sa première visite n’a débouché sur aucun résultat, mais il va se rendre sur place une nouvelle fois le 20 juin. Cette nouvelle visite apporte une lueur d’espoir, car il a déjà réussi à pousser les dirigeants des deux camps à s’entretenir indirectement. Bien sûr, il ne faut pas attendre de grands résultats, mais c’est déjà un pas sur la voie des négociations pour la paix. Outre le premier ministre éthiopien, les Etats-Unis et l’Union Africaine (UA) ont dépêché des émissaires à Khartoum qui ont eu des réunions avec des responsables soudanais et des leaders de l’opposition. Le nouvel émissaire spécial américain, Donald Booth, et le secrétaire d’Etat américain adjoint chargé de l’Afrique, Tibor Nagy, ont aussi rencontré le chef du Conseil militaire, Abdel-Fattah Al-Burhane. L’émissaire de l’UA, Mohamed El Hacen Lebatt, a assuré qu’une équipe de diplomates étrangers travaillait pour résoudre la crise soudanaise et visitera le Soudan la semaine prochaine.

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