Violences intercommunautaires et mauvaise gestion de l’Etat, tels étaient les motifs d’une série de manifestations ces deux dernières semaines au Mali. Un mouvement populaire face auquel l’Etat a rapidement réagi : samedi 20 avril, le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a engagé des consultations avec des représentants de la majorité, ainsi que de l’opposition pour former un nouveau gouvernement et parler notamment de la situation politique. Ceci à la suite de la démission du chef du gouvernement malien, Soumeylou Boubèye Maïga, et son gouvernement, jeudi 18 avril. « Un premier ministre sera nommé très prochainement et un nouveau gouvernement sera mis en place, après consultation de toutes les forces politiques de la majorité et de l’opposition », a indiqué la présidence dans un communiqué suite à la démission du premier ministre. Après son entretien avec le président Keïta, le représentant de la Coalition des forces patriotiques, le regroupement des partis d’opposition, a donné ses premières impressions. « Il nous a dit qu’il a entendu les colères et qu’aujourd’hui il souhaiterait, effectivement, un compromis qui permettrait de rassembler opposition et majorité, donc la classe politique et aussi la société civile, pour faire face aux différents défis », a déclaré Housseini Amion Guindo. Tout en réclamant un dialogue national, l’opposition malienne est prête à faire des concessions pour la sauvegarde de la cohésion nationale. « A ce stade, il est effectivement important qu’on fasse table rase de toutes les susceptibilités, de tout ce qui peut freiner cette cohésion. Donc, aller sur la base des compromis pour essayer de mettre le Mali en avant, de continuer », a ainsi poursuivi Housseini Amion Guindo.
En fait, Maïga a démissionné avec son gouvernement moins d’un mois après la tuerie de quelque 160 civils peuls dans le centre du pays et une série de manifestations contre la gestion de l’Etat. Nommé en décembre 2017 par le président malien, il avait été reconduit en septembre 2018 après la réélection du chef de l’Etat. Sa démission est intervenue à la veille de l’examen par l’Assemblée nationale d’une motion de censure du gouvernement déposée par des députés de l’opposition mais aussi de la majorité. Depuis des semaines, la personnalité de M. Maïga cristallisait les critiques, notamment sur des questions sociétales, d’influents dirigeants religieux musulmans réclamant son départ.
M. Keïta a reçu tout au long de la semaine dernière dignitaires religieux, dirigeants politiques et représentants de la société civile, pour discuter de la situation du pays et leur remettre l’avant-projet de loi de révision constitutionnelle qui sera soumis à référendum. Quelques jours auparavant, une manifestation avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Bamako le 5 avril pour dénoncer « la mauvaise gestion du pays », notamment les violences intercommunautaires dans le centre, selon les organisateurs et des participants. Depuis l’apparition en 2015 dans cette région du groupe djihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies Bambara et Dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs « groupes d’autodéfense ».
Appel à un « dialogue national inclusif »
Or, la démission du premier ministre n’est qu’une étape, a souligné l’opposition malienne dans un communiqué. La priorité pour elle est « d’instaurer un dialogue national inclusif pour un diagnostic profond des maux dont souffre le pays ». Et avant que ce dialogue voit le jour, l’urgence est à la signature d’un « accord politique de partage de responsabilité », selon les termes du communiqué.
Mais quel profil pour succéder au premier ministre démissionnaire? Un homme consensuel, insiste Malick Touré, l’un des porte-parole du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) qui regroupe une vingtaine de partis et une soixantaine d’organisations, et également président d’honneur de l’URD, le parti de l’opposant Soumaila Cissé. « Au Mali, il y a tellement de personnes de bonne volonté, il y a tellement de personnes capables de conduire ce gouvernement… L’idéal, aujourd’hui, serait de prendre une personnalité acceptée par tous, consensuelle. Il faut un gouvernement de mission ». « Nous pouvons nous mettre d’accord sur des noms, aujourd’hui, pour conduire ce gouvernement de mission. Gouvernement de mission, cela suppose quelqu’un qui est respecté, quelqu’un qui respecte les autres, quelqu’un qui est écouté et qui sait écouter les autres. Il y a plusieurs hommes et femmes au Mali, aujourd’hui, qui font consensus. Que l’on soit de l’opposition, que l’on soit de la majorité, nous les respectons, nous les connaissons, nous leur faisons confiance », conclut-il .
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