Al-Ahram Hebdo : Le Mécanisme Africain d’Evaluation de la bonne gouvernance par les Pairs (MAEP) a été créé en 2003, pourtant l’Egypte n’a pas fondé sa commission nationale, comme exigé, que 15 ans plus tard, comment expliquez-vous ce grand délai ?
Achraf Rached : Ce mécanisme est un outil singulier et a été créé en 2003 sur initiative de quelques pays africains, dont l’Egypte, mais celle-ci n’y a adhéré qu’un an plus tard. A mon avis, Le Caire n’a pas pris de pas sérieux en faveur de ce processus et il a fallu attendre 2012 lorsque j’ai été nommé membre avec 8 autres des éminentes personnalités du MAEP. Quatre ans après la fin de mon mandat en 2017, le mécanisme a dépêché l’un de ses membres en Egypte pour rencontrer le président Sissi qui a décidé de remplir les engagements de l’Egypte et fonder la commission nationale qui a vu le jour, avec 20 membres, sur décision du premier ministre en 2018. Ce que je sais, c’est qu’il y avait une tentative précédente de créer cette commission, mais je ne suis pas au courant pourquoi celle-ci a échoué. Mais aujourd’hui nous travaillons avec 4 centres de recherches et un autre spécialisé dans les sondages pour élaborer le rapport égyptien.
— Donc à ce jour, Le Caire n’a-t-il pas encore soumis aucun rapport d’auto-évaluation au mécanisme africain ?
— Nous avons presque achevé un premier brouillon du rapport et nous espérons l’achever avant la fin de l’année pour qu’il soit soumis au sommet des chefs d’Etat africains début 2020. Une fois soumis, un comité dirigé par l’ancien chef de la diplomatie nigérienne, Ibrahim Gambari, doit se rendre en Egypte à la tête d’un groupe de révision et vérifier le contenu du rapport. Nous devrons élaborer un programme de travail national pour s’attaquer aux sujets et questions qui nécessitent une réforme. L’idéal est que ce programme aille de pair avec le plan national de développement élaboré par le ministère de la Planification, pour éviter que le rapport soit uniquement théorique sans espoir d’application sur le terrain. L’idée n’est pas de critiquer l’un ou l’autre pays ou d’aller chercher la petite bête chez le voisin, mais de voir comment chaque expérience, avec ses avantages et inconvénients, peut aider les autres expériences.
— Pourquoi l’Egypte a-t-elle aujourd’hui intérêt à faire part de ce mécanisme ?
— L’Egypte a un rôle de poids en Afrique et les dossiers dominants tournent autour du développement et de la stabilité. Et ces deux dossiers ne peuvent se réaliser sans une bonne gouvernance. La corruption et l’abus du pouvoir touchent, sans aucun doute, la stabilité des pays.
— Dans quelle mesure ce mécanisme africain peut-il changer la situation sur le terrain ?
— Chaque pays doit, en effet, une fois les recommandations finales adoptées, présenter un rapport annuel de « progrès » pour vérifier leur application. L’important c’est que nous disposons d’un outil africo-africain promettant puisque l’adhésion à ce mécanisme est purement volontaire et celui qui l’élabore ne sert pas d’agendas en dehors du continent.
— Le fait que l’évaluation soit africaine semble de grande importance pour vous, vous avez parlé d’ingérence étrangère dans votre discours inaugural. Qu’en est-il ?
— Oui, car certaines institutions internationales cherchent parfois à servir d’autres agendas et établissent des critères qui ne servent pas les pays concernés.
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