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Sénégal : Jeux d’alliances à l’approche de la présidentielle

Abir Taleb avec agences, Dimanche, 10 février 2019

Sénégal : Jeux d’alliances à l’approche de la présidentielle
Malgré le climat tendu, les préparations pour tenir l'élection présidentielle avancent d'un pas stable. (Photo: AFP)

Retour de l’ancien président Abdoulaye Wade qui appelle à empê­cher la présidentielle du 24 février, ralliement de l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, à l’opposant Idrissa Seck: à une dizaine de jours du premier tour de l’élection, les forces politiques jouent leurs dernières cartes. Alors que le scrutin s’annonçait acquis à Macky Sall, président sortant et candidat à sa réélection, les doutes commencent à s’installer. D’abord, en raison de la surprise créée par Khalifa Sall, le principal opposant politique. Ce dernier a fait un choix qui pourrait bien boule­verser la donne: il a annoncé, vendredi 8 février, son soutien au candidat de l’opposition Idrissa Seck. C’est par voie de communiqué que l’an­cien maire de Dakar, incarcéré depuis mars 2017 et écarté de l’élection suite à une condamnation pour « escroquerie portant sur les deniers publics », s’est prononcé en faveur du chef du parti Rewmi, dont la coalition Idy 2019 a déjà engrangé le plus de soutiens dans l’opposition. « Ensemble, nous avons décidé de sceller un partenariat fondé sur un engagement commun de rupture et de refondation de la gouvernance institutionnelle, démocratique, économique et sociale (…) pour un Sénégal de paix, de pro­grès, de liberté, de justice sociale et de solida­rité », a-t-il annoncé. « Hier saluée par le monde entier, notre démocratie a été mise à mort ces sept dernières années par la rupture du dialogue politique, par la manipulation de la Constitution, par les tripatouillages du processus électoral et par la remise en cause des acquis démocra­tiques », écrit Khalifa Sall dans son communi­qué. « Durant sept années, les institutions et les lois de la République ont été manipulées et détournées par le pouvoir en place pour se tra­cer le chemin d’une réélection sans péril. C’est pour cette raison que j’ai décidé (…) d’accepter l’offre d’alliance du candidat Idrissa Seck », ajoute-t-il.

En fait, Khalifa Sall, qui était perçu par de nombreux électeurs comme le challenger le plus à même de battre le président sortant, a fait ce choix après avoir été empêché de participer au scrutin. Sa candidature a été invalidée par le Conseil Constitutionnel du Sénégal, le 20 jan­vier dernier, pour des raisons judiciaires. Ensuite, il a joué sa dernière carte en saisissant la cour de justice de la Cedeao par une requête demandant le report des élections. Mais, cet ultime espoir n’a pas tardé à disparaître après que la cour de justice de la Cedeao eut débouté cette demande. D’où son ralliement à une autre figure de l’opposition, malgré les différences idéologiques des deux hommes.

Abdoulaye Wade milite contre son successeur

L’objectif est donc d’écarter le président actuel. D’ailleurs, depuis sa cellule, Khalifa Sall devrait recevoir dans les jours à venir l’ancien président du Sénégal, Abdoulaye Wade. Ce der­nier, qui était président entre 2000 et 2012 et qui réside actuellement en France, est rentré jeudi 7 février au Sénégal, où il a réitéré son appel à empêcher l’élection, « verrouillée », selon lui, pour la reconduction de son successeur, Macky Sall. « Je voudrais que les quatre candidats face à Macky Sall sachent qu’il s’est déjà proclamé vainqueur », a-t-il affirmé. « Macky Sall a déjà son pourcentage, 55% ou 65% ». Dès son arri­vée à Dakar, M. Wade a annoncé « un pro­gramme de meetings et marches » dans tout le pays, avant, pendant et après le jour du scrutin, appelant à « brûler les cartes d’électeurs et les bulletins de vote », et les forces de l’ordre « à ne pas réprimer les manifestants et à ne pas leur jeter de grenades lacrymogènes ». Cependant, il semble que les appels de l’ancien président ne risquent pas de mobiliser puisqu’ils n’ont, pour l’heure, pas trouvé un véritable écho ni chez l’opposition ni chez la société civile. Quelques jours auparavant, dans une vidéo, Abdoulaye Wade avait appelé les Sénégalais à « s’opposer à la tenue d’une élection entièrement fabri­quée », dénonçant l’invalidation des candida­tures des deux principaux rivaux potentiels de Macky Sall. Car, outre l’ancien maire déchu de Dakar, la candidature du fils de l’ancien prési­dent, Karim Wade, a elle aussi été invalidée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a aussi invalidé des candidatures de nombreux leaders de l’opposition. Suite à cela, 25 d’entre eux, dont Karim Wade et Khalifa Sall, ont décidé de s’unir sous la bannière d’une coalition nommée C25.

C’est donc dans un climat tendu que se tient la campagne électorale. Outre la question des can­didats disqualifiés, le 24 janvier dernier, plu­sieurs hommes ont pénétré par effraction dans les locaux des Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF), le parti d’Ousmane Sonko, l’un des cinq candidats en lice. Le 4 février, une caravane de campagnes du même parti a été attaquée à « l’arme blanche », faisant plusieurs blessés à Saint-Louis (nord). Face à ces événements, l’associa­tion des imams du Sénégal, le clergé catholique et diverses associations de la société civile ont appelé à l’apaisement. Même appel du côté de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne (UE), qui a exhorté « les acteurs politiques à maintenir un climat de non-vio­lence ».

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