ISWAP, la branche de Boko Haram qui a prêté allégeance au groupe Daech, intensifie ses actes de violence avec force au lac du Tchad : enlèvements, attaques, raids se multiplient depuis plusieurs semaines dans la zone d’action des insurgés, au sud-est du Niger, à l’ouest du Tchad et notamment à l’est du Nigeria.
Samedi 1er décembre, l’ISWAP a revendiqué avoir tué 8 soldats et en avoir blessé 17 dans de nouveaux affrontements dans le nord-est du Nigeria. Le groupe de Daech en Afrique de l’Ouest a affirmé avoir attaqué, jeudi 29 novembre, des positions de l’armée nigériane près de la ville de Gamboru, frontalière du Cameroun, selon un communiqué repris et traduit de l’arabe par le site de surveillance américain SITE.
Le groupe a de plus averti de commettre des attaques « encore plus dévastatrices » à venir pour les « infidèles » et les « apostats » en Afrique de l’Ouest. De son côté, l’armée nigériane a affirmé vendredi 30 novembre dans un communiqué avoir mené des opérations « offensives » contre les insurgés à Gamboru et sur le pont adjacent qui relie la petite ville nigériane au Cameroun, provoquant leur débandade, sans mentionner de victimes dans ses rangs ou ceux des insurgés. « Voyant les troupes, les terroristes qui s’étaient massés en vue d’une possible attaque ont abandonné leurs équipements et moyens logistiques et ont fui », ajoute le communiqué.
En fait, depuis juillet, au moins 18 attaques ont eu lieu contre des bases militaires, quasiment toutes situées dans la région du pourtour du lac Tchad, zone contrôlée par l’ISWAP. Mi-novembre, la branche de Boko Haram a revendiqué la mort de 118 soldats au cours d’une série d’attaques dans la même région, particulièrement au Nigeria. L’ISWAP a récemment accru ses raids et autres attaques visant notamment l’armée nigériane.
Campagne électorale
Cette résurgence inquiète les pays de la région, avant tout le Nigeria où l’affaire a d’importantes dimensions. Le président nigérian, Muhammadu Buhari, qui avait promis, lors de son élection en 2015, d’éradiquer Boko Haram, a assuré à plusieurs reprises que le groupe djihadiste était « techniquement vaincu ». Pourtant, avec cette recrudescence de violences, son bilan sécuritaire est très critiqué alors qu’il s’apprête à la présidentielle de février 2019. Le 16 novembre dernier, Buhari a lancé officiellement la campagne électorale, où il est candidat à sa propre succession, et entend poursuivre sa lutte contre Boko Haram, ainsi que contre la corruption.
Mais l’ancien général de 75 ans, qui avait déjà dirigé le pays entre 1984 et 1985 pendant les dictatures militaires, doit aujourd’hui affronter une vague de mécontentement populaire et une opposition de plus en plus organisée. L’opposition reproche à M. Buhari d’avoir aggravé l’insécurité lors de son mandat, notamment de n’être pas intervenu assez tôt pour tenter de résoudre le conflit pastoral entre agriculteurs chrétiens et éleveurs musulmans dans les Etats du centre.
Plusieurs Etats restent soumis à d’importants problèmes sécuritaires : dans le nord-est, le groupe djihadiste de Boko Haram sème toujours la terreur, dans le sud-est des groupes armés menacent les installations pétrolières et, quasiment partout dans le pays, on pratique des kidnappings contre rançons. En outre, la perte des soldats qui s’est multipliée dernièrement à cause des raids et attaques des insurgés a incité le principal parti de l’opposition nigériane à demander des comptes au gouvernement sur sa gestion du conflit dans le nord-est du pays contre Boko Haram. Atiku Abubakar, candidat du Parti populaire démocratique (PDP) à la présidentielle de février 2019 et principal rival du président Muhammadu Buhari, a dénoncé la semaine dernière dans un communiqué le manque de moyens mis en oeuvre dans l’armée.
« L’augmentation des attaques terroristes et criminelles contre nos troupes (...) est un signe clair que notre armée n’a pas assez de moyens financiers et n’est pas assez équipée », écrit M. Abubakar, originaire de l’Etat d’Adamawa (nord-est), une région touchée par le conflit. En effet, les soldats déployés dans le nord-est se plaignent régulièrement de manquer d’armes et de vivres, face à des insurgés nombreux et lourdement armés. Ainsi, selon Amaechi Nwokolo, chercheur au Roman Institute of Security Studies d’Abuja cité par l’AFP, « l’opposition va chercher toutes les failles dans l’armure du parti au pouvoir pour tenter de le décrédibiliser ». L’analyste pense aussi que le conflit a été « politisé » et prévoit qu’avec l’approche des élections et des fêtes de fin d’année, « les terroristes vont sûrement vouloir créer le chaos en amont des élections ».
Lien court: