La chancelière allemande, Angela Merkel, lors d'une réunion avec les dirigeants africains, consacrée à l'initiative Compact with Africa. (Photo : AFP)
Croissance, emploi, migrations et développement. Tels sont les thèmes discutés la semaine dernière lors du 18e Forum organisé par l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) sur l’Afrique, et tenu à Paris le 31 octobre. Lors de ce rassemblement, qui a groupé des entrepreneurs du secteur privé, des représentants d’universités et d’organisations internationales de toute l’Afrique, il a été des défis économiques et des perspectives de développement du continent. «
Nous avons besoin de 130 milliards de dollars en infrastructures par an », a expliqué Victor Harison, commissaire aux affaires économiques de l’Union Africaine (UA), selon lui, les 100 000 km de lignes de chemins de fer africaines sont pour moitié vétustes, et l’Afrique n’est dotée que de 50 000 km de routes praticables. Des infrastructures qui ne garantissent pas les conditions nécessaires à un marché où marchandises, capitaux et hommes doivent pouvoir se déplacer librement. Une urgence alors que le continent noir s’apprête à appliquer la Zone libre-échange en 2019.
Le commissaire de l’UA a donc appelé les investisseurs étrangers à placer leur argent en Afrique, mais a souligné la nécessité de conserver une souveraineté africaine. « Aujourd’hui les projets énergétiques, d’infrastructures ou d’exploitation minière financés par des capitaux étrangers ne sont pas gagnant-gagnant », a-t-il expliqué à l’AFP. Et d’ajouter : « Nous sommes victimes du syndrome hollandais, c’est-à-dire que certains pays sont très riches de ressources naturelles, mais leur exploitation ne profite pas au pays ». Impossible cependant de se passer des capitaux étrangers qui constituent la première ressource, derrière la collecte d’impôts mais devant les aides au développement.
Chine versus UE
Le forum était aussi l’occasion pour les Africains de pointer du doigt l’Europe. Ainsi, le président du Ghana, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, a mis en évidence dans son discours d’introduction du forum la complexité des procédures de financement avec l’Union Européenne (UE). En opposition avec d’autres investisseurs qui fonctionnent de manière beaucoup plus simple. Beaucoup ont reconnu la Chine dans cette deuxième catégorie d’investisseurs. « La Chine est un interlocuteur de premier ordre. Les taux de croissance élevés de l’Afrique ces dernières années sont liés à l’investissement chinois », explique à l’AFP Mario Pezzini, directeur du Centre de développement de l’OCDE. Il note que la Chine en investissant dans l’économie africaine finance également des projets annexes comme des hôpitaux, des bâtiments publics ou d’autres infrastructures. Ibrahim Assane Mayaki, ancien premier ministre nigérien, qui est à la tête de l’agence de développement de l’UA, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), estime que la Chine investit 20 milliards de dollars dans des infrastructures africaines par an. « Je pense que c’est à nous de savoir comment défendre nos intérêts » ajoute-t-il. Au sein de cette organisation, Mayaki s’efforce de sécuriser, d’un point de vue juridique et en termes de garantie, les projets africains pour attirer des investisseurs. Sécuriser les projets pour mieux négocier les contrats serait l’une des clés du développement de l’Afrique, selon ces acteurs.
Intégration régionale et lutte contre la migration
Autre point important et qui a été mis en relief par plusieurs intervenants lors du forum, l’intégration régionale, nécessaire pour améliorer la compétitivité et créer de l’emploi en Afrique. « L’avenir de l’Afrique est dans l’intégration régionale », a dit Victor Harison. Pour mettre en place des infrastructures adéquates qui font défaut, procéder à la nécessaire transformation des matières premières ou encore résoudre les problèmes d’énergie, il faudra « une solidarité et une vision commune » au niveau régional, a indiqué M. Harison. L’intégration régionale est pourtant au coeur des stratégies panafricaines avec comme objectif de lutter contre la fragmentation. « 54 pays ne peuvent pas chacun avoir un développement viable. Il faut donc construire des solutions régionales, c’est-à-dire prendre les stratégies continentales et leur donner une dimension régionale », a proposé Ibrahim Mayaki, tout en précisant que dans une vingtaine d’années, les réflexions en Afrique se feront en termes de corridor et non de pays.
La question des migrations a pris une part de lion. L’idée de la création de l’Observatoire africain des migrations et du développement, ainsi que d’un poste d’envoyé spécial de l’UA chargé de la migration, proposée par le roi Mohamad VI, fin janvier lors du 30e Sommet de l’UA, a pris plus d’ampleur. « L’OCDE est prête à soutenir et à jouer un rôle actif », a annoncé, mercredi 31 octobre à Paris, le directeur du Centre de développement de l’OCDE, Mario Pezzini, à propos de ce projet. Le souverain marocain avait indiqué dans un message adressé au Forum de Paris que l’Observatoire africain de la migration, dont le travail sera basé sur le triptyque « comprendre, anticiper et agir », aura pour mission de développer l’observation et l’échange d’informations entre les pays africains, afin de favoriser une gestion maîtrisée des flux migratoires, ceci en proposant que le Maroc en abrite le siège.
En effet, la question migratoire est l’un des motifs qui a encouragé les Européens à accroître leurs investissements pour développer l’Afrique. C’est dans ce cadre que s’est tenue une autre rencontre, le 30 octobre à Berlin, consacrée à l’initiative Compact with Africa et aux investissements privés sur le continent. Au cours de ce sommet, la chancelière Allemande, Angela Merkel, a annoncé la création d’un fonds d’un milliard d’euros censé favoriser les investissements de Petites et Moyennes Entreprises (PME) européennes en Afrique. Une initiative à travers laquelle l’Allemagne cherche à réduire le flux de migrants de ce continent vers l’Europe. Dans la pratique, le nouveau fonds annoncé servira à octroyer des prêts et des fonds propres aux PME européennes et allemandes qui souhaitent investir en Afrique et des fonds propres pour les PME africaines. En parallèle, un réseau offrant des conseils aux investisseurs potentiels sera créé, notamment pour aider les entreprises allemandes sur place.
« Ensemble, nous voulons envoyer aujourd’hui un signal clair : la volonté d’avoir un voisinage bon et profitable entre l’Afrique et l’Europe. Nous, autres Européens, avons un grand intérêt à ce que les pays africains jouissent de bonnes perspectives économiques. Et pour cela nous avons besoin d’investissements publics mais aussi privés. Pendant de nombreuses années, nous avons été très concentrés sur l’Asie, je pense qu’à l’avenir, le regard doit davantage se tourner vers l’Afrique », a ainsi résumé Angela Merkel.
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