Menace du groupe extrémiste Boko Haram, qui sévit toujours dans l’extrême nord du pays, grave crise sociopolitique dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest : telles sont les circonstances au Cameroun, à quelques jours de l’élection présidentielle prévue le 7 octobre prochain. Quatre candidats des 9 en lice sont les plus distingués par leur meeting et les diverses manifestations publiques, dès le premier jour de la campagne électorale, débutée samedi 22 septembre.
Or, seules les affiches du président sortant et candidat à la présidentielle, Paul Biya, étaient visibles sur les artères et grands carrefours de la capitale Yaoundé. Sur celles-ci, le président candidat affiche un grand sourire sur un fond bleu, avec pour slogan de campagne « Paul Biya, la force de l’expérience », décliné en français et en anglais. Sur le terrain ses ministres ont animé d’innombrables meetings à travers le pays.
En fait, dans un contexte difficile, les 9 candidats à cette élection doivent être sur le terrain pour faire la promotion de leur offre politique. En tête des préoccupations, il y a la crise sécuritaire dans les deux régions anglophones. Depuis des mois, la violence n’a cessé de croître dans les principales villes de cette partie du pays. L’armée y est quotidiennement aux prises avec des combattants séparatistes représentant la frange radicalisée d’un vaste mouvement de mécontentement des populations anglophones, né fin 2016. Les résidents de ces régions vivent depuis des semaines sous couvre-feu et la crainte d’une flambée de violence à l’approche du jour du vote a conduit des milliers de personnes à fuir dans le sud-ouest et le nord-ouest.
Difficile dans ces conditions de savoir si les candidats à l’élection présidentielle pourront se mouvoir librement dans ces régions. Dans l’extrême nord, le conflit contre Boko Haram a certes baissé en intensité, mais la secte djihadiste continue d’y faire des victimes. Des enlèvements et des tueries de paysans restent régulièrement répertoriés le long des localités frontalières avec le Nigeria.
Sur un plan plus général et pour ajouter à ce climat de crispation, les candidats de l’opposition ont dénoncé ces derniers jours des manoeuvres de l’administration pour empêcher la tenue de leur meeting. De plus, l’Union européenne a annoncé qu’elle n’enverrait pas d’observateurs, faute d’avoir reçu d’invitation de la part des autorités camerounaises. Cette perspective est mal perçue par les candidats de l’opposition et la société civile. Tous redoutent une manoeuvre du pouvoir qui pourrait porter atteinte à la transparence et à la sincérité du scrutin.
L’Union européenne, pour justifier cette absence d’une mission d’observation à cette élection présidentielle, a évoqué deux principales raisons. La première tient aux restrictions budgétaires qui obligent à une certaine discrimination dans l’élaboration du planning d’interventions dans divers pays, à l’échelle mondiale. La deuxième, et la plus importante, tient au fait que le Cameroun n’a pas adressé d’invitation formelle à l’Union européenne, comme il est d’usage pour les processus électoraux, a expliqué l’ambassadeur-chef de mission de l’Union européenne à Yaoundé. Du coup, cette élection présidentielle va se dérouler sans le regard avisé des mandataires de Bruxelles. Une première depuis le retour du Cameroun au multipartisme en 1990.
Les premiers à s’inquiéter de cette absence de la diplomatie européenne sont évidemment les candidats de l’opposition qui prennent part à cette élection présidentielle. Paul Mahel, porte-parole du candidat Akere Muna, pense ainsi que le pouvoir, en faisant le choix de ne pas inviter l’Union européenne, « n’a pas l’intention de tenir une élection libre et transparente ». Inquiétude partagée au sein de l’état-major du candidat Cabral Libii, même si ici l’on se presse d’ajouter que mission d’observateurs européens ou pas, les Camerounais devront eux-mêmes décider du sort de ce scrutin.
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