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Madagascar, nouveau tournant dans la crise

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 29 mai 2018

Le pouvoir malgache a accepté de négocier avec l’opposition pour sortir de la crise qui secoue le pays. Une initiative qui intervient au lendemain de la décision de la Haute Cour constitutionnelle, ordonnant la formation d’un gouvernement de coalition.

Madagascar, nouveau tournant dans la crise
Une foule est venue applaudir les députés de l’opposition, en conclave dans l’hôtel de ville, à quelques kilomètres de la place du 13 Mai. (Photo : AFP)

Un mois après le lance­ment du mouvement de contestation popu­laire au Madagascar, le parti du président malgache, Hery Rajaonarimampianina, s’est déclaré samedi 27 mai être favo­rable à une négociation avec l’op­position pour sortir de la crise qui les oppose. Une initiative qui inter­vient au lendemain de la décision de la Haute Cour constitutionnelle vendredi 26 mai, ordonnant la for­mation d’un gouvernement de coa­lition. « La décision de la Haute Cour constitutionnelle nous appelle à une négociation, alors nous sommes ouverts à toute négocia­tion », a indiqué samedi le député au parti du président (HVM), Philobert Milavonjy Andriasy, devant plus de 2000 partisans du chef de l’Etat réunis dans un stade d’Antananarivo.

En fait, l’opposition, qui mobi­lise quotidiennement depuis fin avril ses partisans dans les rues d’Antananarivo, avait déposé devant la Cour constitutionnelle une demande de destitution du pré­sident Rajaonarimampianina au pouvoir depuis fin 2013, accusé de vouloir faire taire l’opposition avant les prochaines élections générales. Saisie de la demande de destitution du président, la plus haute instance judiciaire malgache ne s’est pas prononcée. Mais elle est intervenue spectaculairement dans la crise en le sommant de dis­soudre l’actuel cabinet et de nom­mer sous sept jours un nouveau premier ministre dont la nouvelle équipe devra refléter proportion­nellement les résultats des der­nières élections législatives de 2013. La Haute Cour a également donné un coup d’accélérateur au calendrier électoral. Selon sa déci­sion, le nouveau gouvernement aura notamment pour tâche d’orga­niser « une élection anticipée durant la saison sèche au cours de cette année 2018 », soit entre mai et septembre. Les deux tours des élections présidentielle et législa­tives étaient à l’origine prévues à la fin de l’année entre novembre et décembre.

Accord politique

Les magistrats ont toutefois lais­sé au pouvoir et à l’opposition un délai de dix jours pour parvenir d’eux-mêmes à un accord politique de sortie de crise. Sans quoi, sa décision s’imposera et entrera en vigueur. Si le parti HVM du prési­dent s’est déclaré ouvert aux dis­cussions, il a toutefois clairement indiqué samedi qu’il s’estimait majoritaire et qu’il proposerait la nomination d’un nouveau premier ministre de son camp. « Aujourd’hui n’est que le commencement, mais on va faire le tour du Madagascar pour montrer que nous sommes majoritaires », a dit le chef du parti HVM et président du sénat, Rivo Rakotovao. En fait, les partisans d’Hery Rajaonarimampianina se sont retrouvés au coliseum d’Ant­sonjombe. Environ 10000 per­sonnes se sont rendues au premier rassemblement organisé par le régime depuis un mois. « Dire que nous sommes satisfaits à 100 %, cela me paraît difficile. Il s’agit quand même d’aller dans le sens du consensus et de l’apaisement. Il faut faire des concessions des deux côtés. Mais aujourd’hui, dans le groupe des députés majoritaires au nombre de 79, nous nous sentons parfaitement en mesure de nommer le premier ministre du futur gou­vernement », a annoncé Freddie Mahazoasy, porte-parole des dépu­tés HVM, qui préfère se concentrer sur les échéances à venir. Le député fait référence à l’article 54 de la Constitution qui prévoit que le chef de l’Etat choisisse un premier ministre issu du parti ou du groupe de parti majoritaire à l’Assemblée.

Par ailleurs, si le pouvoir a accepté de répondre à la demande de la Haute Cour pour sortir de sa crise, l’opposition est toujours atta­chée à sa demande de destitution du président sortant malgache. Plusieurs centaines de partisans de l’opposition se sont réunis samedi 27 mai place du 13 Mai (lieu du mouvement de protestation depuis plus d’un mois) pour exiger le départ du chef de l’Etat. « La lutte continue, on ne sera pas satisfaits tant que Rajaonarimampianina et son entourage resteront en place », a lancé la députée Hanitriniaina Razafimanantsoa devant la foule qui est venue applaudir les députés de l’opposition, en conclave dans l’hôtel de ville à quelques kilo­mètres de la place du 13 Mai.

Toutefois, le président sortant n’a pas annoncé s’il allait briguer un second mandat cette année mais ses partisans, qui ignorent la contesta­tion de l’opposition, l’ont invité samedi à se déclarer au plus vite, une invitation qui pourrait aggraver la situation dans la grande île. « Nous vous demandons, M. Hery Rajaonarimampianina, d’annoncer votre candidature », a lancé devant la foule du stade Coliseum le séna­teur Riana Andriamandavy.

En revanche, les deux principaux chefs de l’opposition, Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009, et M. Rajoelina, au pouvoir de 2009 à 2014, ont déjà laissé entendre qu’ils étaient prêts à se lancer dans la bataille. Ces deux anciens ennemis font aujourd’hui cause commune contre le régime en place. En outre, on ne sait pas encore comment les partis vont interpréter l’accord poli­tique, mais la situation est certaine­ment inquiétante puisque le bras de fer entre l’opposition et le pouvoir se poursuit toujours.

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