« Le processus électoral n’a été ni libre, ni transparent, ni indépendant, encore moins démocratique », a déclaré, samedi 19 mai dans un communiqué, Agathon Rwasa, figure de l’opposition et chef de la coalition d’indépendants Amizero y’Abarundi (espoir des Burundais), en parlant du référendum constitutionnel qui a eu lieu le jeudi 17 mai au Burundi. La coalition, qui avait été créée en vue des élections de 2015, a annoncé qu’elle ne reconnaissait pas les résultats du référendum, qui pourrait permettre au président Pierre Nkurunziza de rester en poste jusqu’en 2034.
Quelque 4,8 millions d’électeurs étaient appelés à s’exprimer sur cette réforme, qui consacre définitivement la dérive autocratique du pouvoir observée ces trois dernières années. Selon des résultats quasi définitifs, le Burundi s’achemine vers une large victoire du « oui » au référendum du 17 mai, encadré de près par le régime et portant sur une vaste révision constitutionnelle destinée à renforcer le pouvoir du président Pierre Nkurunziza et à lui permettre d’éventuellement rester en fonction jusqu’en 2034. Selon les chiffres publiés par un collectif de 15 radios publiques et privées sous l’égide du ministère en charge des médias, dans « 17 des 18 » provinces du pays, le oui obtient des scores oscillant entre « 50 et 85 % ».
Pour leur part, les tenants du « non » ont condamné la pression mise par les partisans du pouvoir sur les électeurs pour qu’ils votent en faveur de la réforme. Amizero dénonce dans son communiqué « les intimidations et le harcèlement » dont a été victime, selon elle, la population de la part du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Le CNDD-FDD avait, dès vendredi, réagi à ces accusations, en les qualifiant d’exagération et en invitant les tenants du « non » à porter plainte.
Président jusqu’en 2034
Après avoir, dans un premier temps, accepté de « jouer le jeu » des institutions en devenant 1er vice-président de l’Assemblée nationale et en envoyant des représentants au gouvernement, Rwasa s’est affirmé ces derniers mois comme le véritable chef de l’opposition interne au pays. La candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, contesté en avril 2015, puis sa réélection en juillet de la même année ont déclenché une grave crise politique marquée par une répression brutale ayant fait au moins 1200 morts et plus de 400000 réfugiés. Si elle est définitivement adoptée, la Constitution autorisera M. Nkurunziza, 54 ans et au pouvoir depuis 2005, à briguer deux mandats de 7 ans à partir de 2020. L’issue du vote ne fait guère de doute, tant les voix discordantes ont été étouffées.
La campagne référendaire a été marquée par des enlèvements, des meurtres et des arrestations arbitraires, selon la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), qui a dénoncé une « campagne de terreur ». Le projet de révision a été condamné par la communauté internationale, dont l’Union européenne, premier donateur de ce pays, l’un des plus pauvres au monde, les Etats-Unis et l’Union africaine.
Le Cnared, principale plateforme de l’opposition en exil, avait appelé au boycott. A ses yeux, le texte, qui introduit des modifications d’ampleur, bouleverse l’architecture institutionnelle du pays, en signant « l’arrêt de mort » de l’accord de paix d’Arusha.
Signé en 2000, celui-ci avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (qui a fait plus de 300000 morts entre 1993 et 2006), en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi. Il spécifie qu’aucun président ne peut diriger le Burundi pendant plus de 10 ans.
Ce nouveau texte vise surtout à entériner la mainmise totale sur les institutions du CNDD-FDD et à concentrer encore plus le pouvoir exécutif dans les mains du président Nkurunziza. La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur les exactions. Quant à l’opposition, elle ne cesse de dénoncer la dérive absolutiste et mystico-religieuse d’un dirigeant qui dit avoir été choisi par la volonté divine .
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