Accusant la mouvance présidentielle de saboter le dialogue interguinéen, destiné à trouver une solution au contentieux électoral qui dure depuis février dernier, l’opposition guinéenne a décidé de suspendre sa participation aux réunions du comité de suivi de l’accord politique du 12 octobre 2016, signé avec le pouvoir. « Malheureusement, nous sommes obligés de suspendre notre participation », a annoncé Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) lors d’une conférence de presse, la semaine dernière.
Justifiant cette décision, le chef de l’opposition indique qu’« il n’y a aucun progrès pour trouver une solution au contentieux électoral ». L’opposition guinéenne menace également de reprendre ses manifestations dans les prochains jours. Enclenché après les élections communales du 4 février dernier, où une dizaine de personnes sont mortes suite à des manifestations violentes, et dont les résultats sont contestés, ce mouvement de protestation avait été suspendu par l’opposition après la rencontre entre Diallo et le président Alpha Condé, le 2 avril dernier. Au cours de ce tête-à-tête au sommet, les deux interlocuteurs avaient convenu d’aplanir leurs différends par le dialogue. « Nous suspendons nos manifestations en attendant de voir si les engagements pris seront respectés », avait alors confié Cellou Dalein Diallo à Jeune Afrique.
Une condition qui n’aurait pas été respectée, selon l’opposition. Un peu plus d’un mois après cette rencontre, celle-ci a donc suspendu sa participation aux réunions du comité. Présidé par Bouréma Condé, le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, et composé des représentants de l’opposition, de la mouvance présidentielle, de la société civile et de la communauté internationale, ce comité veille à l’application des différentes clauses de l’accord politique du 12 octobre 2016.
Un texte notamment chargé de déboucher sur une solution à la crise née de la proclamation des résultats des élections communales du 4 février 2018. « Tout le monde semblait être animé d’une volonté sincère d’aller vers une solution de sortie de crise. Mais au fur et à mesure que le débat évoluait, la mouvance présidentielle devenait fermée à toute solution de sortie de crise », constate Cellou Dalein Diallo, avant de renchérir : « Les partenaires techniques et financiers ont constaté qu’on n’évoluait pas. Ils ont décidé de s’impliquer en faisant des propositions systématiquement rejetées par la mouvance. Selon l’opposition, la délégation du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel, au pouvoir) était plus arrogante, fermée au dialogue et menaçante ». Le président du comité de suivi, Bouréma Condé, s’est lui-même affirmé : « On ne touchera pas aux résultats ! ».
Du côté de la mouvance présidentielle, le président du groupe parlementaire du RPG, Amadou Damaro Camara, soutient, en effet, qu’il n’est pas possible de modifier ces résultats déclarés définitifs par la justice. Toute solution de sortie de crise passe nécessairement, selon lui, par la « reprise des élections dans les circonscriptions où les résultats ont été contestés », une proposition rejetée par l’opposition. En outre, l’opposition justifie la suspension de sa participation au comité par un certain « acharnement » de la justice dont elle serait victime. « Nous avons 107 prisonniers parmi des militants et responsables de l’UFDG », énumère Diallo, dont les membres de la coalition ont été arrêtés lors des affrontements post-électoraux.
Pour sa part, Lansana Camara, du parti présidentiel, marque son étonnement et calme le jeu. « Nous sommes surpris de cette attitude de l’opposition qui nous accuse de mauvaise foi. Nous constatons qu’elle préfère la rue à la négociation. Mais qu’à cela ne tienne. Nous avons espoir que le désir de résoudre les problèmes par la voie pacifique va prendre le dessus sur la violence », dit-il .
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