Selon l'Organisation internationale des migrants, plus de 3 100 migrants sont morts ou disparus en Méditerranée en 2017.
(Photo : AFP)
« C’est la pire catastrophe humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale ». C’est avec ces paroles que le pape du Vatican, François Ier, s’est exprimé, dimanche 14 janvier, sur la crise migratoire, ceci à l’occasion de la 104e Journée mondiale des migrants et des réfugiés, appelant à un accueil large, non inconditionnel, des migrants, et reconnaissant qu’«
un gouvernement doit gérer ce problème avec la vertu propre au gouvernant, c’est-à-dire la prudence ».
En fait, la crise des migrants prend de plus en plus d’ampleur, ce qui a poussé la communauté internationale, notamment l’Europe, à prendre cette question au sérieux, face à l’afflux de milliers de migrants. Une question qui préoccupe aussi bien le Sud que le Nord. D’où la nécessité d’une coopération entre les deux parties, celles « exportatrices » de migrants, et les pays d’accueil. La question a été déjà largement abordée lors du sommet Union Européenne (UE)-Union Africaine (UA), tenu fin novembre dernier à Abidjan. Car pour l’Europe, c’est dans les pays d’origine que doit être trouvée la solution, les Européens cherchant avant tout à limiter l’afflux de migrants et réfugiés sur son territoire.
Et c’est ce que l’Afrique s’efforce à faire. Mandaté par l’UA, le Maroc et d’autres pays africains préparent un plan stratégique pour une autre approche de la crise migratoire, qui sera présenté à la fin de ce mois. Réunis à Rabat, au Maroc, le 9 janvier dernier, quinze ministres des Affaires étrangères de l’UA ont planché sur un « Agenda africain sur la migration ». Objectif: l’intégration des migrants sur le continent. L’idée derrière est d’éviter ces terribles destins de bateaux de clandestins qui font naufrage en Méditerranée.
Les résultats de cette rencontre ne seront présentés qu’à la fin du mois de janvier, lors du prochain sommet de l’organisation panafricaine à Addis-Abeba, a précisé le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita. Mais d’ores et déjà, quelques pistes de réflexion ont filtré.
Retenir les migrants sur le continent
« L’intégration des migrants et le partage des responsabilités en matière de gestion des frontières, d’intégration et de réintégration seront quelques-uns des volets majeurs de l’agenda africain sur la migration », a déclaré le ministre marocain lors de cette rencontre ministérielle. Un discours qui tranche avec celui qui prévalait il y a encore quelques années, quand l’Afrique fermait elle aussi ses frontières à ses propres immigrés. Dans ce sens, le Maroc, qui a réintégré l’UA début 2017, préconise une migration interafricaine ordonnée.
« Nous devons mettre la migration régulière au service du développement socio-économique du continent (...) La politique migratoire ne peut se fonder uniquement sur les impératifs sécuritaires », a plaidé de son côté Mamadi Touré, ministre guinéen des Affaires étrangères et président du Conseil exécutif de l’UA. Et d’ajouter: « La lutte contre la migration irrégulière nécessite l’implication de tous les acteurs (...). En joignant nos efforts, nous pourrons mettre en oeuvre une stratégie viable et assurer un meilleur avenir à la jeunesse africaine ». En effet, la question-clé reste la pauvreté. Amani Al-Tawil, spécialiste des affaires africaines et chef de l’Unité des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, explique que pour résoudre cette crise, il faut tout d’abord chercher les causes réelles et ensuite les traiter. Al-Tawil parle ici des migrants économiques. « Il faut savoir que les principales causes sont liées au développement, ou plutôt à l’absence de développement. Les pays africains possèdent des richesses, certes, mais les populations locales n’en profitent guère, ce sont les sociétés multinationales et les cercles du pouvoir qui en tirent profit, alors que le peuple reste majoritairement pauvre dans ces pays », dénonce la spécialiste.
Pacte mondial sur les migrants
Une solution qui vient de l’intérieur, c’est ce que veulent justement les pays européens, notamment l’Italie et la Grèce, les deux principales terres d’accueil. C’est dans ce cadre que Français et Italiens ont tenu des discussions, jeudi 11 janvier à Rome, pour renforcer la cohésion entre les deux pays face au défi migratoire et l’avenir de l’Europe. Le jour même, le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, a prévenu que les Etats membres de l’Onu doivent se préparer à gérer de larges mouvements de migrants. Selon Guterres, il y a des « chevauchements évidents entre ce défi et les enjeux du Pacte mondial sur les migrants », attendu en 2018. En effet, des négociations formelles sous l’égide de l’Onu à ce sujet doivent débuter février prochain au sujet de ce pacte. Mais d’ores et déjà, fin 2017, les Etats-Unis ont annoncé leur retrait de l’élaboration du Pacte sur les migrants, en raison de dispositions contraires à la nouvelle politique d’immigration de Donald Trump.
Jeudi 11 décembre, lors du discours de présentation de son rapport devant l’Assemblée générale de l’Onu, Antonio Guterres, sans citer les Etats-Unis, a mis en garde « les autorités qui érigent des obstacles majeurs à la migration, ou imposent de sévères restrictions sur les opportunités de travail des migrants ». Car, selon lui, cela entraîne « des dommages économiques inutiles » et « encourage involontairement la migration illégale ». Son rapport souligne trois éléments importants à prendre en considération par les Etats membres dans la définition d’une stratégie : une approche humanitaire axée sur la défense des droits de l’homme, des ressources financières pour définir le statut des migrants, une fois la première aide humanitaire apportée, et trouver des options crédibles pour les migrants qui ne peuvent prétendre à un statut de réfugié tout en étant dans l’impossibilité de revenir dans leur pays d’origine. « Le Pacte mondial est une opportunité non seulement pour les Etats membres, mais aussi pour le système onusien d’adopter une approche plus ambitieuse pour la gestion des migrations », fait aussi valoir Antonio Guterres dans son rapport. Il précise prévoir « des consultations intensives sur l’approche onusienne vis-à-vis des migrations tout au long de 2018 ». « Les migrations doivent être un acte d’espoir et non de désespoir », a-t-il conclu devant l’Assemblée générale de l’Onu.
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