Les 2 rivaux kenyans, le président Uhuru Kenyatta et le leader de l'opposition Raila Odinga, se rencontreront dans un nouveau tour présidentiel le 17 octobre.
(Photo : Reuters)
Une fois n’est pascoutume, ni au Kenyani sur l’ensemble ducontinent. Les Kenyansiront aux urnes une seconde fois, le17 octobre prochain, pour élire leurprésident. « Les élections doiventavoir lieu le mois prochain et nousappelons tous nos supporteurs dansle pays à participer à ces élections enfaisant une contribution financière àla campagne », a déclaré le leader del’opposition Raila Odinga, lors d’uneconférence de presse tenue vendredidernier à Nairobi. La coalition
d’opposition Nasa a lancé, vendredidernier, un appel à donations auprèsde ses partisans, pour l’aider à financerla campagne pour le prochain scrutinprésidentiel. « Chaque sou apportécomptera », a ajouté M. Odinga. Cetappel à donations donne à penserque Nasa éprouve des difficultés àfinancer sa campagne pour l’électiondu 17 octobre, tandis que le présidentsortant, Uhuru Kenyatta, et soncolistier ont, eux, déjà repris leursmeetings dans plusieurs régions dupays.
Saisie par l’opposition, la Coursuprême a annulé, le 1er septembre, lerésultat du scrutin du 8 août, à l’issueduquel le président Kenyatta avait étéproclamé vainqueur avec 54,27 % desvoix, contre 44,74 % à M. Odinga.La Cour avait justifié cette décision,inédite sur le continent africain,en estimant que l’élection n’avait« pas été conduite en accord avec laConstitution », et que des « illégalitéset irrégularités (en avaient) affectél’intégrité ».
Le vote électronique, un défi
Mais la crise n’est pas pour autantfinie. L’opposition a posé certainesconditions à sa participation auscrutin du 17 octobre prochain. Ellea demandé le départ de plusieursresponsables de la commissionélectorale (IEBC), la possibilitépour toute personne éligible dese présenter, mais aussi un auditapprofondi du système électroniquede la Commission, qui, selon elle, aété piraté en faveur de M. Kenyatta.Des soupçons et des accusationsque le président de l’IEBC, WafulaChebukati, a, lui-même, cités dansune lettre interne envoyée à sondirecteur exécutif et divulguée, jeudidernier, par la presse. Il a indiquél’existence de défaillances dans laconduite de l’élection présidentielledu 8 août, ainsi qu’une séried’erreurs commises par son équipedans l’organisation des élections.Parmi les problèmes, lesaccusations de piratage informatique.Ce qui a ravivé le débat sur lapertinence du recours à des solutionsélectroniques pour accompagner unscrutin à l’enjeu national. La Coursuprême a évoqué notamment des« irrégularités » dans la transmissiondes résultats du scrutin. Mais il faudraattendre son jugement motivé d’iciau 22 septembre pour savoir si laCour a relevé des manquements surla partie électronique du scrutin. En2013, le système informatique misen place au Kenya pour centraliserles résultats avait failli, contraignantla commission électorale à basculersur un système manuel. L’oppositionavait dénoncé une action délibéréede sabotage. Quatre ans plus tard,les tablettes utilisées à la fois pourla reconnaissance biométrique et latransmission des résultats ont dansl’ensemble bien fonctionné. Maisl’opposition affirme que le systèmede transmission a été piraté et qu’unalgorithme y a été introduit pourgonfler artificiellement les scores duprésident sortant Uhuru Kenyatta. Latâche en devient encore plus difficilepour les missions d’observateurschargées de surveiller le processusélectoral, qui ont paru démuniesface aux accusations de fraudeinformatique de l’opposition.
Nouvel équilibre
L’invalidation de l’électionprésidentielle au Kenya s’inscritdans un contexte d’affermissementdes contre-pouvoirs, dans ce pays,que la Constitution progressistede 2010 a consolidés malgré desdéfis persistants. « La société civilekenyane est plus robuste et plusdynamique que de nombreuses autresdans la région et cela vient vraimentde la lutte pour le multipartisme auKenya (1992) », résume à l’AFPSarah Jackson, directrice adjointedu bureau régional d’AmnestyInternational pour l’Afrique del’Est. En 2007-2008, durant les piresviolences électorales de l’histoiredu Kenya indépendant (1963), lesorganisations kenyanes de défensedes droits de l’homme s’étaientmobilisées pour documenter lestroubles et demander justice.L’actuel président, Uhuru Kenyatta,et son vice-président, William Ruto,avaient tous deux été inculpés par laCour pénale internationale pour cesviolences qui avaient fait au moins1 100 morts. Les charges ont depuisété abandonnées, mais de nombreuxobservateurs kenyans estiment queles deux hommes en ont nourri un vifressentiment contre un large pan dela société civile.
De même, longtemps brocardéepour la corruption endémique dansses rangs, la magistrature kenyanea récemment montré des gagesd’indépendance. L’invalidation dela présidentielle par la Cour suprêmeen est l’illustration la plus éclatanteet son écho a largement débordé lecontexte kenyan. Mais dès avantl’élection, des magistrats avaientdonné raison à l’opposition dansplusieurs contentieux préélectoraux.En février, la justice avait infligéun camouflet au gouvernement enannulant sa décision de fermer legrand camp de réfugiés somaliens deDadaab, la jugeant « discriminatoireet donc inconstitutionnelle ». LaConstitution de 2010 a renforcél’indépendance des juges en créantnotamment la Cour suprême eten instaurant un mécanisme denomination de ses sept membres surlequel le président n’a quasimentaucun moyen d’interférer.
Les contre-pouvoirs au Kenyapourraient cependant être mis àrude épreuve dans les mois à venir.M. Kenyatta, après la décisionde la Cour suprême, a vilipendéla magistrature estimant qu’elleposait « un problème » qu’il fallait« régler ». Pour Dimas Mokua, laConstitution a certes doté le paysd’institutions fortes, mais beaucouprepose encore sur le « courage » desKenyans placés à leur tête.
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