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Mobilisation internationale pour secourir la Somalie

Sabah Sabet avec agences, Dimanche, 14 mai 2017

Renforcer la sécurité et la guerre antiterroriste, lutter contre la famine et relancer l’économie. Tels étaient les objectifs d’une conférence tenue cette semaine à Londres, pour soutenir la Somalie. La concrétisation de ces espoirs reste toutefois hypothétique.

Mobilisation internationale pour secourir la Somalie
Une quarantaine de délégations et de personnalités internationales ont conclu un pacte de sécurité avec le président somalien,visant à poser les fondations d'un pays pacifié et prospère (Photo:Reuters)

La Somalie serait-elle sortie de l’oubli ? Après des années de désolant statu quo et, surtout, d’indifférence internationale, la communauté internationale revient à la charge pour tenter de sauver ce pays de la Corne de l’Afrique, l’un des plus pauvres et plus instables du monde. C’est dans cette optique que s’est tenue, jeudi 11 mai dans la capitale britannique Londres, une conférence internationale sur la Somalie. Au terme de cette rencontre — à laquelle ont assisté une quarantaine de délégations, des institutions internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la Ligue arabe, ainsi que des personnalités comme le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, le ministre américain de la Défense, James Mattis, et la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini — un pacte de sécurité a été conclu avec le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed. Objectif : poser les fondations d’un pays pacifié et prospère. Jugeant que la Somalie « tourne une page » de son histoire, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a assuré que l’Organisation internationale ferait « tout son possible » pour permettre d’instaurer « la prospérité et une paix durable ». Dans ce cadre, il a annoncé qu’un nouveau plan de 900 millions de dollars serait mis en place d’ici la fin de l’année, pour répondre à la situation humanitaire. De son côté, l’Union Européenne (UE) s’est engagée à apporter 183 millions de dollars supplémentaires, portant le total de ses engagements humanitaires et militaires à 3,7 milliards de dollars sur la période 2015-2020.

En mars, le président somalien avait appelé la communauté internationale à augmenter son aide, arguant que son gouvernement s’engageait sur la voie de la « bonne gouvernance » et du renouveau économique. Des discussions ont également été engagées pour tenter de réduire la dette du pays, qui s’élève à 5,3 milliards de dollars, en échange d’une réforme de son économie. « La Somalie a un gouvernement auquel nous pouvons faire confiance et un plan qui fait sens », a déclaré le secrétaire général des Nations-Unies. L’accord stipule également qu’en échange du « soutien vital » de la communauté internationale, la Somalie engage les réformes qui lui sont indispensables.

En fait, La conférence intervient au moment où la Somalie est confrontée à un nouvel épisode de sécheresse et se retrouve au bord de la famine. Antonio Guterres a cependant souligné que si plus de 600 millions de dollars ont été levés cette année pour lutter contre la sécheresse, il faudra 900 millions de dollars supplémentaires au cours des six prochains mois pour éviter que la situation ne s’aggrave en famine. Il a rappelé que « près de la moitié de la population » de la Somalie avait besoin d’une assistance, faisant de la lutte contre la sécheresse « la plus urgente des priorités ». Selon un rapport de l’Onu, 1,4 million d’enfants somaliens seront atteints de malnutrition d’ici la fin de l’année, un chiffre en hausse de 50 % par rapport à 2016.

Contrer la menace des Shebab

Autre volet important discuté lors de la conférence, la lutte antiterroriste. Selon le président somalien, le terrorisme est l’un des trois grands ennemis de la Somalie, après la corruption et la pauvreté. Le président somalien a fait valoir, à l’occasion, la volonté du nouveau gouvernement d’assurer à terme sa propre défense contre les insurgés Shebab affiliés à Al-Qaëda. La lutte contre les insurgés est aujourd’hui pilotée par les 22 000 hommes de la force internationale de l’Union africaine Amisom, déployée en 2007. Confrontés à la puissance de feu de l’Amisom, les Shebab ont été chassés de Mogadiscio en août 2011 et ont perdu l’essentiel de leurs bastions. Mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats suicide, jusque dans la capitale. A la mi-février, ils ont menacé de mener une guerre « sans merci » contre le nouveau président tout juste élu.

Le président somalien prévoit notamment que l’armée nationale assume davantage la sécurité contre les Shebab, et donc a appelé à la levée, dans un futur proche, de l’embargo sur les armes imposé à son pays, assurant que si l’armée nationale n’a pas de meilleures armes pour combattre l’insurrection islamiste des Shebab, le conflit pourrait durer une autre décennie. Le secrétaire général de l’Onu a également insisté sur la nécessité de coordonner les opérations militaires menées dans différentes régions du pays, et de créer une armée unifiée. En outre, le ministre américain de la Défense, James Mattis, qui s’est entretenu avec le président somalien, a déclaré aux journalistes que les Etats-Unis continueraient à épauler l’infanterie somalienne en fournissant des équipements non-létaux. D’après le Pentagone, « plusieurs centaines » de soldats américains sont également en Somalie pour former environ 3 000 officiers locaux à des opérations antiterroristes.

« Il y a sans aucun doute un espoir renouvelé fondé sur l’élection de ce qui semble être un très bon leader, tant du fait de sa compréhension des besoins en matière de sécurité militaire que des efforts économiques », a également déclaré le responsable américain.

Elu en février, le président Mohamed Abdullahi Mohamed, 55 ans, paraît réunir l’autorité et la moralité qui manquaient à ses prédécesseurs. Binational américano-somalien, à la fois ancien fonctionnaire dans l’Etat de New York et éphémère premier ministre somalien, il a été choisi par les clans qui règnent sur le pays, mais n’était pas le candidat préféré des Occidentaux. Son surnom de « Farmajo », hérité d’un père amateur de fromage sous la colonisation italienne, tranche avec son apparence austère. Son arrivée au pouvoir offre « une fenêtre d’opportunité cruciale », a résumé la première ministre britannique, Theresa May. Cette dernière n’a pas caché les trois raisons de l’investissement diplomatique de Londres : « Si la Somalie sert de base aux terroristes (…), si le commerce mondial est détourné par les pirates dans l’océan Indien, si des millions de personnes sont contraintes de fuir la pauvreté et la sécheresse », le monde entier en subit les conséquences. « Sur la reconstruction d’un Etat, sur l’éradication des Shebab et sur la lutte contre la pauvreté, il est possible de trouver un terrain d’entente », a conclu la première ministre britannique.

Situation humanitaire alarmante
La situation humanitaire en Somalie reste dramatique et suscite une grande inquiétude auprès de la communauté internationale. En effet, plus de 6 millions de personnes ont cruellement besoin d’aides humanitaires, alors que 275 000 enfants souffrent de faim. Face à ce drame, les Nations-Unies ont estimé qu’il faudrait au moins 900 millions de dollars pour subvenir aux besoins immédiats de ces populations. En proie à la pire sécheresse depuis des décennies, le pays n’arrive pas à s’en sortir, surtout avec la présence des groupes terroristes Shebab. Depuis le début de cette année, les choses n’ont fait qu’empirer, avec notamment la mort de plus de 300 personnes atteintes de choléra ou de diarrhée. Selon les Nations-Unies, une moitié de la population est en situation de risque majeur, alors que l’autre moitié a besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Mi-mars 2017, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la Somalie et sa situation humanitaire, Boris Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères qui présidait la rencontre, a évoqué la situation en appelant à éviter que l’histoire ne se reproduise. D’après le Programme Alimentaire Mondial (PAM), près de 260 000 personnes sont mortes suite à la terrible famine qui a frappé le pays en 2011. Comme avoué en mars dernier, les Nations-Unies peinent toujours à mobiliser les fonds d’aide à la Somalie.

D’après un porte-parole de l’Onu, la communauté internationale n’a pu mobiliser que 31 % des 900 millions de dollars à réunir. La même source avait prévenu qu’à d’autres occasions, l’appel aux donateurs sera « vraisemblablement revu à la hausse » pour prévenir davantage les risques humanitaires en progression dans la région. Si rien n’est fait, la situation sera hors de contrôle. Mais heureusement, et en attendant l’intervention onusienne, des ONG, à l’instar du Comité International de la Croix-Rouge (CICR), ont pris les devants pour intervenir au plus vite sur le terrain. Dans un article publié vendredi dernier dans le site Internet Tribune, Jordi Raich, responsable de l’équipe du CICR en Somalie, a insisté qu’il « faut agir vite ». « En 2011, nous avons commis beaucoup de fautes. Nous n’avons pas réagi assez vite. Et quand nous l’avons fait, c’était déjà trop tard. Cette fois-ci, nous avons quelque temps devant nous. Mais il faut tout faire pour que l’année, 2011

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