« Le droit à l’alimentation dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale est désormais une base de discussion acceptée dans le monde entier », a déclaré José Graziano da Silva, directeur général du PAM, lors d’une réunion de haut niveau de l’Onu sur la faim, la sécurité alimentaire et la nutrition, qui s’est tenue à Madrid tout dernièrement.
La réunion de Madrid était consacrée à la vision des Nations-Unies en matière de lutte contre la faim dans le monde après 2015, date butoir pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) de l’Onu.
L’Afrique subsaharienne est en retard pour atteindre les OMD visant à diminuer de moitié la faim et la pauvreté avant 2015. De plus, les prix alimentaires élevés sur les marchés locaux et les nombreux problèmes actuels liés à la crise alimentaire vont sûrement retarder encore sa progression.
Bien que certains de ces objectifs aient progressé, la guerre contre la faim est loin d’être terminée et comme l’a indiqué Da Silva, globalement « 870 millions de personnes souffrent toujours de la faim ».
La population africaine qui est estimée à près de 1 milliard aujourd’hui passera à 2 milliards vers 2050. Pour pouvoir suivre le rythme de sa croissance démographique, l’Afrique a besoin de tripler sa productivité agricole d’ici à 2050.
Les analystes du PAM nous rappellent la triste évidence que l’Afrique est la seule région du monde en développement dont la production alimentaire moyenne, par habitant, a baissé au cours des 60 dernières années.
Les accords de libre-échange, la crise climatique et les catastrophes naturelles contribuent à mettre en faillite les petits producteurs agricoles et les forcent à abandonner leurs petites exploitations à de grosses entreprises qui souvent utilisent les terres agricoles pour des projets d’exploitation minière, plantations d’agro-carburants, cultures destinées à l’exportation qui causent des dommages au sol et à l’environnement.
Les sécheresses récurrentes et de plus en plus fréquentes, suivies d’inondations, ont remis en cause l’espoir « d’accroître les rendements agricoles de manière durable et de garantir la régularité des approvisionnements alimentaires (notamment en céréales) ».
En février 2012, cinq pays du Sahel —le Burkina Faso, le Mali, le Tchad, la Mauritanie et le Niger — avaient déclaré l’imminence d’une crise alimentaire et avaient lancé un appel à l’aide internationale pour subvenir aux besoins de quelque 12 millions d’habitants de la région.
Pourtant, tout le monde reconnaît que ce n’est pas l’aide alimentaire qui soulagerait la pénurie, la dépossession, la pauvreté ou les hausses des prix dans le long terme. S’il est vrai que l’aide alimentaire peut nourrir des millions d’Africains, à court terme, elle ne résout pas pour autant le problème de la faim. Paradoxalement, elle contribue à l’aggraver en créant une « dépendance dangereuse ».
Certains experts vont jusqu’à admettre que l’aide alimentaire, loin de correspondre à un geste de solidarité envers le Tiers-Monde, une forme de coopération, « n’est trop souvent qu’une arme des pays du Nord au service d’une stratégie d’écoulement de leurs excédents, de conquête de nouveaux marchés dans les pays du Sud ».
La crise alimentaire en Afrique a mis en exergue le besoin urgent pour les Etats africains d’amorcer une stratégie pour répondre aux besoins croissants de leurs populations.
Relever le défi alimentaire en Afrique implique d’aller bien au-delà de l’aide et dans cette guerre contre la faim, la seule réponse positive reste l’engagement politique au niveau national. C’est bien cette « attitude vis-à-vis de la faim » qui doit changer d’abord au niveau national, puis régional et finalement au niveau mondial.
Principalement, il incombe au gouvernement d’un pays d’assurer la sécurité alimentaire de ses ressortissants. Ce qui nous mène à dire que le progrès ne doit pas être une posture, mais plutôt une action et que les actions nationales sont devenues aujourd’hui cruciales pour relever le défi alimentaire du continent.
En Afrique subsaharienne où le secteur agricole emploie près des deux tiers de la population, l’impact de l’investissement est « potentiellement transformateur », reconnaissent les experts.
En effet, c’est en finançant des infrastructures agricoles de base destinées aux communautés rurales et en renforçant les capacités de ces communautés, en leur apportant des investissements productifs dans les domaines de la gestion durable des terres, de la production, de la transformation et de la commercialisation de produits végétaux et animaux ciblés, que le défi pourrait éventuellement être relevé.
Pour la Banque mondiale, la croissance dans le secteur agricole serait deux fois plus efficace pour réduire la pauvreté que la croissance dans d’autres secteurs d’activité. En outre, les observateurs estiment que si on prêtait autant d’attention aux fermiers féminins qu’aux fermiers masculins, la productivité en Afrique pourrait croître de 22 % « mettant plus d’aliments sur le marché, d’argent dans la main des femmes et de nourriture dans la bouche des enfants ».
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