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Venezuela : Une crise qui traîne en longueur

Maha Al-Cherbini avec agences, Vendredi, 13 janvier 2017

Le pouvoir du président socialiste Nicolas Maduro semble se renforcer face à une opposition plus divisée que jamais, suite à l'expiration de l'ultimatum du 10 janvier prévu pour le référendum révocatoire qui visait à le destituer.

Le bras de fer se poursuit de plus belle entre le président socialiste Nicolas Maduro et une opposition de droite soucieuse de le destituer avant la fin de son mandat en 2019. Devenue majoritaire au parlement à l’issue des législatives de fin 2015, l’opposition tente, depuis des mois, d’obtenir le départ de Maduro qu’elle juge responsable de la grave crise économique et des pénuries qui ont engendré des violences dans le pays. Elle réclame en particulier la reprise du processus pouvant mener à la convocation d’un référendum révocatoire du président, ou bien des élections anticipées. Dans une marque de soutien au président chaviste, la justice avait bloqué la tenue du référendum révocatoire avant le 10 janvier comme l’espérait l’opposition. Seule une tenue du référendum avant cette date pouvait entraîner des élections anticipées. Or, selon le calendrier légal, un référendum révocatoire organisé après le 10 janvier ne provoquerait que le remplacement du président par son vice-président.

Se réjouissant de l’expiration de l’ultimatum, le président Maduro a nommé cette semaine un dur du régime comme nouveau vice-président, Tareck El-Aissami. Ce potentiel remplaçant garantirait une vitrine politique à M. Maduro qui resterait ainsi le véritable maître du jeu. D’emblée, M. El-Aissami, qui se décrit comme « radicalement chaviste » (du nom de l’ex-chef de l’Etat socialiste Hugo Chavez), a donné le ton vendredi, qualifiant le parlement dominé par l’opposition de droite d’« assemblée illégitime ». « Cette assemblée illégitime veut imposer un discours de haine et de non-respect de la Constitution », a-t-il fustigé.

Selon Dr Moustapha Kamel, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, la position de Maduro ne fait que se renforcer après l’expiration de la date du 10 janvier. « L’éviction de Maduro reste peu sûre pour plusieurs motifs. Tout d’abord, il est soutenu par la quasi-totalité des institutions, surtout l’armée, très puissante au Venezuela. De plus, le président socialiste est soutenu par une partie du peuple, surtout les classes pauvres qui ont confiance en lui, car il est le successeur de Chavez, partisan des classes défavorisées. Ces dernières sont sûres que les difficultés économiques par lesquelles passe le pays sont temporaires et vont s’améliorer avec la fin de la crise des cours du pétrole. En revanche, les classes aisées s’opposent fermement à Maduro et veulent le révoquer à tout prix. Cette division joue en faveur du président », analyse l’expert.

L’opposition en difficulté

Autre facteur renforçant la position du président : la division de l’opposition. Malgré ses désaccords, l’opposition a repris l’offensive cette semaine après avoir élu un nouveau président du parlement qui a annoncé sa détermination à obtenir le départ de Maduro le plus vite possible. Alors que l’organisation du référendum révocatoire avant le 10 janvier a échoué, l’opposition — guidée par la coalition de la MUD (Table pour l’unité démocratique) — a dévoilé vendredi sa nouvelle feuille de route par la voix du nouveau président du parlement, Julio Borges. « Ce qui reste à faire, c’est lutter pour sauver la Constitution et sauver le Venezuela. Nous devons vaincre cette dictature. Dans les prochains jours, une nouvelle procédure contre le président sera lancée devant le parlement pour manquement aux devoirs de sa fonction », a lancé vendredi M. Borges, selon qui cette décision ouvrirait la porte à de nouvelles élections générales, sans préciser comment. Selon les experts, la portée de cette nouvelle procédure devrait rester « symbolique », la justice, accusée de défendre les intérêts de l’exécutif, ayant jusqu’à présent annulé toutes les décisions du parlement qui avait déjà lancé une procédure en novembre contre Nicolas Maduro. Pour mener le camp anti-Maduro, l’opposition devrait miser sur le mécontentement des Vénézuéliens. Pourtant, cette gronde populaire ne profite pas trop à la MUD, dont le soutien a chuté de 45 à 38 % ces deux derniers mois selon des sondages, la population s’étant lassée de ses désaccords et de ses échecs. « Dans la population, il y a eu de très grandes attentes qui n’ont pas été comblées. L’opposition a manqué d’une stratégie pour prendre le pouvoir », a reconnu Jesus Torrealba, porte-parole de la MUD.

En effet, l’opposition, quoique majoritaire au parlement, se trouve face à un double défi : tout d’abord sa lutte contre une force qui a le pouvoir économique, militaire et politique, et ensuite, ses luttes internes entre les modérés et les radicaux. L’opposition est plus que jamais fissurée, le camp modéré étant partisan « d’accords minimaux » avec le pouvoir alors que les radicaux considèrent « inutile » tout dialogue avec « une dictature ».

Signe de cette discorde qui affaiblit les rangs de la MUD : le dialogue entamé par le gouvernement avec la droite en novembre, sous les auspices du Vatican, a été rejeté par la moitié des 30 partis de la coalition qui refusent tout dialogue avec le pouvoir. Face à ces critiques, la MUD a gelé le dialogue en décembre, reprochant au gouvernement de ne libérer d’opposants ni de définir de calendrier électoral incluant le référendum révocatoire ou des élections anticipées. Un nouveau rendez-vous a été donc fixé par le pouvoir le 13 janvier. Dans une tentative de tendre la main à l’opposition, le pouvoir a libéré, à la veille du nouvel an, sept opposants, dont l’ex-candidat présidentiel Manuel Rosales, ce qui pourrait adoucir la position de l’opposition et l’inciter à poursuivre son dialogue avec le pouvoir. Le conflit entre le pouvoir et l’opposition se termine par la mention « A suivre ».

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