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Transition pacifique en Gambie

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 06 décembre 2016

Après 22 ans de pouvoir sans partage, le président de la Gambie, Yahya Jammeh, a reconnu sa défaite à la présidentielle.

Une fois n’est pas coutume en Afrique, et à la surprise générale, le président de la Gambie, Yahya Jammeh, a reconnu, samedi dernier, sa défaite face à son rival, l’homme d’affaires Adama Barrow. Selon les résultats du scrutin publiés vendredi, Jammeh s’est classé deuxième avec 36,6 % des voix derrière Adama Barrow, crédité de 45,5 % des suf­frages. Mama Kandeh a eu 17,8 % des voix. La participation avoisinait les 65 %. « Vous, Gambiens, avez décidé que je devais être en retraite » à l’issue de la présidentielle de jeudi, « vous avez parlé sans ambiguïté », a affirmé le militaire retraité dans une déclaration télévi­sée vendredi soir, avant de féliciter Barrow pour sa victoire. « Je vous souhaite bonne chance, le pays sera entre vos mains en janvier et vous pouvez compter sur mon aide durant votre transition », s’est-il adressé à Barrow. Cette élection a été saluée tant en Gambie qu’à l’étranger. Depuis vendredi, plusieurs pays, ONG et institutions ont rendu hommage au peuple gambien, à Barrow, pour sa victoire, et à Jammeh pour sa décision.

La Gambie a ainsi entamé une nouvelle page de son histoire après 22 ans de pouvoir aux mains de Jammeh. Ce dernier est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, il avait été élu une première fois en 1996 pour cinq ans, puis réélu trois fois. Il s’était déclaré sûr d’obtenir un cinquième mandat jeudi der­nier, et ses détracteurs lui prêtaient l’intention de n’accepter aucune autre issue, d’autant que Jammeh a gouverné sans partage tout au long de ces 22 ans.

Barrow, qui prendra ses fonctions en jan­vier, est le troisième président de l’histoire de la Gambie en 51 ans d’indépendance de cette ex-colonie britannique, après Dawda Jawara (1965-1994) et Yahya Jammeh (1994-2016). Barrow, 51 ans, était inconnu sur la scène politique 6 mois auparavant dans son pays de 2 millions d’habitants, enclavé dans le terri­toire sénégalais hormis sa façade atlantique. Par ailleurs, et pour ne pas perdre le temps, le président élu s’est mis au travail en menant des consultations avec des acteurs politiques et diplomates samedi. Il a rencontré, samedi, des responsables de sa coalition, et le repré­sentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Afrique de l’Ouest et au Sahel, Mohamed Ibn Chambas, selon son entourage et l’Onu. Les discussions « se sont très bien passées, nous réfléchissons sur la voie à suivre », a déclaré à l’AFP Mme Isatou Touray, militante des droits des femmes, qui a retiré sa candi­dature en faveur de celle de Barrow. Selon elle, le problème « le plus urgent » évoqué a été celui des prisonniers politiques, dont l’op­position, des ONG et l’Onu réclament la libération. Parmi ces détenus figure le chef du principal parti d’opposition, Ousainou Darboe, incarcéré depuis avril pour avoir manifesté contre la mort d’un opposant arrê­té, Solo Sandeng. D’après Mme Touray, ils pourraient être relâchés bientôt.

Devant la presse, Mohamed Ibn Chambas a affirmé avoir eu des rencontres fructueuses avec le président élu et sa coalition. L’Onu est « disposée à travailler avec les Gambiens pour établir une Commission Vérité et Réconciliation », a affirmé Chambas, refu­sant cependant de se prononcer sur d’éven­tuelles futures poursuites contre Yahya Jammeh. « Je vous exhorte à avancer dans l’unité, l’entente, la paix », a-t-il ajouté, sou­lignant « le geste très louable du président Jammeh qui a gracieusement accepté sa défaite, ce qui n’est pas courant en Afrique ». Si certains s’interrogeaient sur son sort, Jammeh lui-même semblait serein quant à sa retraite politique. Il ne s’exilera pas et mènera une vie de paysan dans son village natal de Kanilai (ouest), a-t-il assuré dans son mes­sage télévisé. « S’il veut vivre en Gambie en tant que citoyen ordinaire, il en a le droit, je n’ai pas de problème avec ça », a dit Barrow dans son entretien à des médias français, samedi, en assurant qu’il ne mènerait de « chasse aux sorcières contre personne », a-t-il conclu.

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