Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a demandé à des milliers de ses supporters de voter massivement en faveur de la nouvelle Constitution.
(Photo:AFP)
« Il faut voter cette fois-ci. La Constitution c’est la garantie, c’est une assurance-vie pour la paix, des décennies et des décennies, donc je vous demande de sortir nombreux le 30 octobre pour voter massivement car c’est ainsi que nous allons garantir la paix ». C’est ce qu’a lancé le président ivoirien, Alassane Ouattara, samedi dernier, à l’ouverture de la campagne pour un référendum sur une nouvelle Constitution. Réunis dans le plus grand stade du pays, situé au coeur du quartier des affaires du Plateau, plusieurs milliers de supporters du président ivoirien brandissaient des affichettes avec l’inscription « Je vote Oui à la paix, à la modernité ».
Selon le président, qui avait promis une nouvelle Constitution lors de sa réélection en 2015 pour un deuxième mandat jusqu’en 2020, le texte va permettre de « tourner définitivement la page des crises successives » qui ont secoué le pays pendant plus d’une décennie et manqué de le plonger dans la guerre civile. Le projet clarifie notamment les conditions d’éligibilité à la présidence de la République.
Mais le texte est controversé, tout comme le président lui-même. Ses détracteurs avaient reproché à Ouattara son « origine burkinabé » et contesté son éligibilité. En 2010, les opposants les plus virulents à Ouattara avaient déjà contesté sa candidature. Ils avaient alors brandi l’article 35 de la loi fondamentale, qui stipule qu’un candidat à la présidentielle « doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». Cette contestation de la victoire d’Ouattara sur son prédécesseur Laurent Gbagbo avait été suivie d’une véritable crise politique : plus de 3 000 Ivoiriens étaient morts en cinq mois de violences causées par le refus de Gbagbo de reconnaître la victoire d’Ouattara, épilogue d’une décennie de crise politico-militaire en Côte d’Ivoire.
La nouvelle Constitution met fin, selon le pouvoir, à l’une des causes de la crise, à savoir le concept d’« ivoirité » en clarifiant les conditions d’éligibilité du président. En outre, le texte de la nouvelle Constitution prévoit la création d’un poste de vice-président, qui alimente tous les fantasmes. Si la Constitution est acceptée, le président doit en effet nommer un vice-président jusqu’en 2020, et celui-ci aura toutes les chances d’être considéré comme son successeur. De plus, la Constitution crée un Sénat, institutionnalise la Chambre des rois et chefs traditionnels et étend le domaine de compétence du Conseil économique et social à l’environnement.
L’opposition déterminée
Autant de clauses rejetées par l’opposition qui a appelé au boycott du scrutin. Selon le chef de l’opposition, Pascal Affi Nguessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI), fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo, il s’agit d’un projet « rétrograde, démagogique et monarchique ». « Nous appelons tous nos militants, nos compatriotes à ne pas se sentir concernés par ce qui doit se passer le 30 octobre (…). Nous sommes dans la voie du boycottage », a lancé Nguessan, le 15 octobre, au nom de l’Alliance des Forces Démocratiques de Côte d’Ivoire (AFD-CI).
Samedi dernier, parallèlement au premier meeting électoral rassemblant des milliers d’Ivoiriens favorables à la nouvelle Constitution, d’autres milliers se sont rassemblés pour dire non. Deux grandes plateformes constituées de 36 formations politiques et civiles y ont participé, à savoir le Front du refus présidé par Danielle Bony Claverie et la coalition pour le non de Bamba Moriféré. Il s’agit de la plus grosse manifestation jamais tenue par l’opposition depuis l’avènement du régime Ouattara. Les dirigeants de l’opposition se sont relayés sur une estrade en scandant des slogans répétés par la foule comme : « Non au coup d’Etat constitutionnel ! », « Non au vol des Ivoiriens ! » ou encore « Non au référendum ». Pour Abdramane Sangaré, président par intérim du FPI, le moment est venu pour que les Ivoiriens se lèvent pour faire barrière à cette Constitution et exiger le retrait pur et simple de « ce projet funeste qui nous condamne à une mort certaine (…). Il y a trop de prisonniers politiques et de réfugiés (…) pour qu’on passe à la troisième République ».
En effet, la nouvelle Constitution consacrerait alors la troisième République de la Côte d’Ivoire depuis l’indépendance du pays, le 7 août 1960. Le projet a été adopté par le Parlement le 5 octobre dernier. Mais l’étape la plus décisive est celle du référendum du 30 octobre prochain. Alors que le régime compte le faire passer coûte que coûte, l’opposition ne compte pas fléchir : Pour le professeur Mamadou Coulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale, tout est déjà fin prêt pour empêcher ce projet. « A cet instant même deux groupes ont été instaurés pour définir des activités et donner des mots d’ordre précis au groupe d’action afin de bloquer cette Constitution. Nous userons de nos moyens comme le boycott, la désobéissance civile et les meetings éclatés comme celui-là pour faire front contre le projet », a indiqué Coulibaly. De quoi présager d’une nouvelle crise politique en Côte d’Ivoire.
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