De notre envoyé spécial —
Dans sa volonté de reconfigurer sa relation avec les médias du continent, l’Union Africaine (UA) a profité de son sommet à Kigali (Rwanda), tenu à la mi-juillet dernier, pour accueillir en marge de l’événement des journalistes africains et tenir des discussions qui ont porté sur l’Agenda 2063 de l’organisation panafricaine. Trois jours de conférence sur le thème « Vulgariser l’Agenda 2063 à travers le Forum des éditeurs d’Afrique », (un groupement plus connu sous sa dénomination anglaise « The African Editors’ Forum (TAEF) »), ont ainsi été organisés avec la présence remarquée — pendant plus de trois heures — de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’UA, marquant de ce fait l’importance qu’elle accorde à l’activité et la mission des médias africains. Elle a d’emblée indiqué que « l’Afrique a un besoin de journalistes compétents capables de traiter l’information de manière juste et équilibrée ».
Car l’Agenda 2063 est d’abord celui de « l’Afrique que nous voulons », selon le slogan de l’UA pour marquer l’ambition de réaliser et de contrôler le développement de l’Afrique avec des objectifs définis par elle-même. Pour le défendre, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma a dépêché ses plus hauts responsables auprès du parterre de journalistes africains invités, venus d’une trentaine de pays. Il en était attendu une vingtaine de plus, mais des questions logistiques sont venues contrarier cet objectif. Afin d’exposer la teneur de l’Agenda 2063 dans ses plus amples détails, les 8 commissaires de l’Union africaine se sont donc succédé, en plus d’autres responsables de la commission et des ministres rwandais ou éthiopien des Affaires étrangères.
« L’Agenda 2063 de l’Union africaine est un cadre stratégique pour la transformation socio-économique du continent au fil des 50 prochaines années. Il se fonde sur, et cherche à accélérer, la mise en oeuvre des initiatives continentales passées ou existantes pour la croissance et le développement durable », selon l’UA. « L’Agenda 2063 rehausse l’image de l’Afrique », ajoute Jacob Enoh Eben, porte-parole de la présidente de la Commission africaine.
7 aspirations
Mais de quoi se compose-t-il ? L’Agenda 2063 se base tout d’abord sur 7 aspirations : une Afrique prospère, un continent intégré, une bonne gouvernance, la paix et la sécurité, une forte identité africaine, un développement axé sur les populations, ainsi que le désir de voir une Afrique unie et influente. Ce qui nécessitera, dès 2023 en Afrique, 2 millions d’agronomes et de chercheurs, 3,1 millions d’ingénieurs de l’assainissement de l’eau, et 8,2 millions d’ingénieurs.
Différents programmes et structures antérieurs participent à la mise en oeuvre de l’Agenda, avec principalement le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), programme socioéconomique phare de l’UA dont les objectifs principaux sont d’éradiquer la pauvreté, de promouvoir la croissance et le développement durable, d’intégrer l’Afrique dans l’économie mondiale et d’accélérer l’autonomisation des femmes. Il y a également l’AIDA (Développement industriel accéléré), le MIP (Programme d’intégration du millenium), ou encore le CAADP (Programme intégré de développement agricole africain). Une approche qui doit permettre au continent de tirer les leçons du passé, bâtir sur les progrès en cours et exploiter toutes les possibilités disponibles dans l’immédiat et à moyen terme, de manière à assurer la transformation socioéconomique, avec toutefois des étapes à plus court terme afin d’évaluer les progrès effectués. « Au niveau opérationnel, les possibles risques majeurs dans la réalisation de l’Agenda 2063 sont le renouvellement régional politique institutionnel et le financement, les questions de mobilisation des ressources, ainsi que la nature changeante des relations de l’Afrique avec le reste du monde », tempère cependant Mme Zuma.
Les financements d’un tel plan « varient des subventions pures au financement typiquement commercial à partir de sources publiques et privées. Il s’agit notamment de ressources d’aide technique, de prêts concessionnels, de prêts commerciaux fixés à la valeur du marché, d’instruments de capitaux propres et autres instruments du marché comme les Investissements Directs Etrangers (IDE) et les investissements de portefeuille par le secteur privé : dettes, obligations, actions ... », annonce de son côté Anthony Mothae Marupting, commissaire de l’UA pour les affaires économiques. Le Programme pour le développement de l’infrastructure en Afrique (PIDA), sous la responsabilité du Dr Elham Mahmoud Ahmed Ibrahim, commissaire de l’UA pour l’infrastructure et l’énergie, compte lui développer « 37 000 km de routes, 30 000 km de voies ferrées ou encore 700 gégawatts de capacité électrique d’ici à l’horizon 2040 ». Autre priorité : « la création de la Zone de libre-échange continentale dès 2017 », déclare Fatima Haram Acyl, commissaire de l’UA pour le commerce et l’industrie.
Capacités humaines
Une ambition qui doit passer par le renforcement des capacités humaines en matière de compétence, de formation, de résultats, de valeurs, de comportement, de motivation, d’intégrité professionnelle et d’aptitudes relationnelles. « Nous procédons actuellement à la mise en oeuvre d’un cadre pour une citoyenneté active qui sera un agent de changement pour le développement durable du continent. Cela mettra en place un système d’éducation et de formation qui fournira des ressources humaines efficaces capables de réaliser les ambitions de l’Afrique », a exposé Dr Martial De-Paul Ikounga, commissaire de l’UA pour les ressources humaines, la science et la technologie. Sur ce sujet de l’éducation, la Sud-Africaine Febe Potgieter-Gqubule, chef-adjoint du personnel à la Commission de l’UA et présente à Kigali lors de la première journée d’échanges avec la presse, a précisé qu’une « renaissance culturelle est essentielle pour réaliser l’ambition de l’Afrique, et qu’elle passera par l’unification des diplômes entre les divers pays du continent ».
Une telle ambition africaine pose enfin la question des partenariats étrangers. Compte tenu de l’ampleur actuelle des investissements chinois sur le continent, et notamment en Ethiopie avec Pékin ayant déjà offert le nouveau siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, ou encore le groupe français Bolloré, très actif dans le développement des infrastructures dans l’Ouest du continent, se pose finalement le droit de connaître la légitime paternité du développement de l’Afrique. Mais le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Dr Tedros Adhanom, balaie la question d’un revers de la main : « Nous ne voulons pas contrôler les investissements étrangers, nous voulons au contraire les attirer. Car c’est une relation gagnant-gagnant ».
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