En s'orientant vers l'Afrique, Israël cherche à sortir de son isolement diplomatique
(Photo: Reuters)
Pour la première fois depuis des décennies, un chef de gouvernement israélien met les pieds en Afrique. Benyamin Netanyahu a effectué, du 4 au 8 juillet, une tournée en Afrique de l’Est qui englobait l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda et l’Ethiopie. Ces pays de l’Afrique subsaharienne bénéficieront d’une grande partie des investissements israéliens sur le continent noir. Accompagné de 80 hommes d’affaires représentant une cinquantaine d’entreprises israéliennes, le premier ministre israélien a promis d’accorder près de 12 millions d’euros au « renforcement des relations économiques et de la coopération avec les pays africains ». Tel-Aviv propose notamment à ses interlocuteurs africains une formation en matière de « sécurité nationale ». Cette tournée africaine de Netanyahu a un enjeu important pour Israël. Les dangers qui menacent l’Etat hébreu, notamment le terrorisme, peuvent se jouer en Afrique, où les courants djihadistes sont très actifs. Donc, investir dans la sécurité de l’Afrique permet à Israël d’avoir un oeil sur ce qui se passe sur le continent et de maîtriser un peu plus sa propre sécurité. D’après David Elkaïm, membre du Centre français de recherche sur le renseignement et spécialiste des enjeux sécuritaires en Israël, interrogé par le site JDD, l’Afrique représente un gros client pour Israël. « Dans le domaine de la sécurité, Israël a un savoir-faire qu’il cherche à exporter, et les Africains en sont demandeurs ».
Sortir de l’isolement
En outre, si les questions économiques et sécuritaires font partie des objectifs officiels de cette visite, un voyage comme celui-ci est très important pour Israël d’un point de vue diplomatique. En effet, l’Etat hébreu cherche à mettre fin à son isolement international. Dans les années 1960, de nombreux pays africains avaient en effet pris leurs distances avec Israël en raison de ses guerres avec ses voisins arabes entre 1967 et 1973 et ses liens avec le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Critiqué aussi pour ses activités nucléaires ou pour l’occupation des territoires palestiniens, Israël a du mal à s’imposer dans les institutions internationales. En se faisant une place au Kenya, en Tanzanie ou en Ouganda, Israël espère s’assurer de leur soutien et peser davantage dans les institutions internationales.
Selon Tareq Fahmi, analyste et professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Israël a voulu, à travers cette visite, se présenter comme un pays qui propose son aide dans tous les domaines et qui veut réaliser la prospérité. « Avec cette offensive de charme, Israël passe de l’ombre à la lumière. Depuis des années, Israël travaillait secrètement en Afrique et il a jugé le moment opportun pour surgir sur la scène », analyse-t-il. Mais ce rapprochement va certainement inquiéter les pays arabes. « Il faut que les pays arabes, surtout l’Egypte, retrouvent leur rôle en Afrique et tendent la main rapidement aux pays africains », souligne Tareq Fahmi. En fait, l’Egypte a eu dernièrement des relations quelque peu tendues avec l’Ethiopie, sa voisine au bassin du Nil. En effet, Addis-Abeba construit actuellement sur le Nil le barrage de la Renaissance, d’une capacité de 6 000 MW. L’Egypte craint que le barrage ne restreigne son accès à l’eau du fleuve qui est sa principale source d’eau potable. Or, Netanyahu soutient l’Ethiopie dans ce projet et a promis de se charger du fonctionnement des stations d’énergie électrique du barrage, ce qui suscite l’inquiétude de l’Egypte. La visite de Netanyahu intervient au moment où les travaux de construction du barrage sont sur le point d’être achevés. « Cette coopération entre Israël et l’Ethiopie aura certainement des effets négatifs sur l’Egypte et sa sécurité hydraulique », craint Fahmi. Il assure que l’Egypte doit rapidement réagir et profiter de sa position au sein du Conseil de sécurité pour évoquer la question de la sécurité hydraulique. « Il faut former une pression internationale sur l’Ethiopie et Israël pour que ce dernier ne parvienne pas à réaliser ses visées en Afrique », conclut Fahmi.
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