Les Occidentaux mettent en garde contre le renforcement de Boko Haram si l'EI s'implante davantage en Libye.
(Photo: AP)
Peu de résultats concrets sont sortis du sommet sur la sécurité, tenu samedi dernier à Abuja, mis à part que c’est un signe d’une coopération militaire régionale et d’un soutien international croissant pour tenter de mettre fin à l’insurrection islamiste de Boko Haram. Le sommet a regroupé autour du président nigérian, Muhammadu Buhari, les chefs d’Etat des pays frontaliers du Nigeria (Bénin, Cameroun, Tchad et Niger), le président français, François Hollande, le chef de la diplomatie britannique, Philip Hammond, ainsi que le secrétaire d’Etat américain adjoint, Antony Blinken. Sans faire d’annonces spectaculaires, tous ont été unanimes sur un point : la nécessité de conjuguer et de multiplier les efforts, afin de lutter contre Boko Haram. Ainsi, tout en parlant de « résultats impressionnants », le président français a mis en garde contre la « menace » persistante de ce groupe — bien qu’il ait été « amoindri et obligé de reculer » —, et a appelé la communauté internationale à faire « davantage » pour aider cette région. Le chef de la diplomatie britannique, Philip Hammond, a lui aussi estimé dans un communiqué qu’il ne fallait pas baisser les bras. « Nous devons maintenir la dynamique pour gagner la guerre et construire les bonnes conditions d’une stabilité ultérieure dans la région », dit-il.
A part ces déclarations, rien. Il n’a été précisé ni les mesures à prendre pour « gagner cette guerre », ni les moyens de mettre fin aux exactions de Boko Haram qui, depuis 2009, a tué plus de 20 000 personnes et contraint plus de 2,6 millions d’habitants à fuir leurs foyers. Il n’a pas non plus été précisé si des décisions seraient prises pour le déploiement effectif de la Force Multinationale Mixte (FMM), composée de 8 500 hommes originaires du Nigeria et des pays voisins, un sujet qui devait être au coeur des débats. Car si cette force est mise en place depuis juillet, son déploiement opérationnel est resté jusqu’ici très confus.
Mini-promesses
Or, une meilleure coordination entre les différentes armées est indispensable pour combattre un groupe qui s’est replié aux frontières du Cameroun, du Niger et sur les contours du lac Tchad. D’autant plus que le Nigeria a souffert d’un manque de coopération militaire internationale sous les précédentes administrations, son armée étant régulièrement accusée de corruption et de violations des droits de l’homme. « Buhari a l’énorme avantage d’avoir remporté des élections libres et justes l’an dernier », explique John Campbell, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Nigeria et membre du Council on Foreign Relations, un think tank basé à Washington, cité par RFI. « Il a aussi lancé une vigoureuse campagne contre la corruption, et ça compte. Ceci dit, la communauté internationale est toujours préoccupée par les abus des droits de l’homme commis au niveau de l’armée, d’où l’importance du rapport d’Amnesty International publié cette semaine sur la mort de détenus, y compris mineurs, dans les prisons. De nombreux témoignages indiquent que la population civile a autant peur des forces de sécurité que des insurgés ». Timidement donc, les Etats-Unis ont annoncé la semaine dernière qu’ils pourraient vendre une douzaine d’avions militaires au géant de l’Afrique de l’Ouest. Et la France, qui possède une base militaire au Tchad pour sa lutte antiterroriste dans la région du Sahel, a promis une meilleure coopération de ses services de renseignements.
Inquiétudes
Or, un facteur déterminant pousserait les puissances occidentales à renforcer leur soutien au Nigeria dans la lutte contre Boko Haram : les liens présumés de ce groupe avec l’Etat Islamique (EI). Certes, depuis l’arrivée de Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria, il y a un an, l’armée a multiplié les victoires militaires contre Boko Haram, conduisant le président à annoncer que le groupe islamiste était « techniquement » vaincu. Désormais, Boko Haram « ne tient plus » aucun district administratif dans le nord-est, a-t-il de nouveau assuré samedi. Il n’en demeure pas moins que le groupe rebelle reste puissant et commet fréquemment des attentats meurtriers, notamment en envoyant des kamikazes dans les lieux publics. La forêt de Sambisa dans le nord-est demeure un bastion pour les rebelles. Mais le plus inquiétant est, pour les Occidentaux, les liens avec l’EI, alors que Boko Haram a annoncé l’an dernier son ralliement à l’EI. Lors du sommet d’Abuja, Philip Hammond a lancé une mise en garde. « Les djihadistes de Boko Haram développeront vraisemblablement leur coopération avec l’Etat islamique si ce dernier assoit son implantation en Libye », a-t-il déclaré. Déjà, vendredi dernier, la veille de la rencontre d’Abuja, le Conseil de sécurité de l’Onu s’était déclaré inquiet des liens tissés par Boko Haram avec le groupe djihadiste. Vendredi également, un responsable américain a fait état de signes montrant que des combattants de Boko Haram étaient en train de quitter le Nigeria pour partir en Libye.
Cela dit, concrètement parlant, on en sait peu sur le degré de coopération entre les deux groupes. Dans les chancelleries occidentales, on craint que l’implantation progressive de l’EI en Afrique du Nord et ses liens avec Boko Haram n’annoncent une poussée vers le sud, au Sahel, avec, à la clé, une intensification des attentats. La Libye devient donc un élément-clé dans la lutte contre Boko Haram et pour améliorer la sécurité dans la région .
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