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Congo-Brazzaville : Un 3e mandat qui commence mal

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 11 avril 2016

Depuis la réélection contestée de Sassou Nguesso à la présidence et malgré le calme qui suit les affrontements sanglants de la semaine dernière au Congo-Brazzaville, la tension persiste dans l’opposition.

La réélection du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, et les affrontements sanglants qui l’ont suivie laissent planer la crainte d’un retour à une guerre civile dans ce pays. En effet, depuis la réélection contestée de Sassou Nguesso lors du scrutin du 20 mars dernier, la situation reste extrêmement tendue. A peine réélu, le président a commencé par museler l’opposition.

Cette dernière dit en effet craindre le pire pour son futur dans le pays, notamment avec l’arres­tation de certains de ses membres. Le colonel en retraite Marcel Mpika, à Pointe Noire, connu pour être un proche du général Mokoko, l’un des principaux chefs de l’opposition, et engagé en sa faveur pendant la campagne présidentielle, a été arrêté vendredi dernier. Le cas du colonel Mpika n’est pas isolé.

Depuis la réélection controversée de Denis Sassou Nguesso, à l’élection présidentielle du 20 mars, la situation au Congo s’est détériorée. Zacharie Bowao, coordonnateur de la Plateforme IDC-Frocad qui réunit les cinq principaux partis de l’opposition, indique au site du quotidien français La Croix : « A Brazzaville mais aussi à Pointe Noire et dans tout le pays, des collabora­teurs des principaux candidats mais aussi des jeunes gens qui ont battu campagne pour nous sont arrêtés ». Pour échapper aux arrestations, les opposants se cachent, poursuit Zacharie Bowao. « La méfiance et la peur ont gagné tous les esprits. Nous évitons de nous réunir en public, nous privilégions les contacts privés ». Selon l’avocat du général Mokoko, Maître Tricaud, une vingtaine de cadres de l’opposition auraient déjà été arrêtés.

Pourtant, le gouvernement nie tout en bloc. « Il n’y a pas d’arrestation sans qu’il y ait un lien avec la sûreté de l’Etat. Il n’y a pas d’inter­pellations politiques », a déclaré à l’AFP le porte-parole du gouvernement congolais, Thierry Moungalla. « M. Moungalla se trompe copieusement », a rétorqué Charles Zacharie Bowao, en citant les noms de quatre proches de candidats à la présidentielle soutenus pas cette coalition, détenus pour certains depuis près de quinze jours. « Les délais de la garde à vue sont largement dépassés », a ajouté M. Bowao à pro­pos de Jean Ngouabi (arrêté le 24 mars), Anatole Limbongo Ngoka (arrêté le 27 mars), le colonel (en retraite) Marcel Mpika (arrêté le 31 mars), trois soutiens du général Jean-Marie Michel Mokoko (arrivé troisième à la présidentielle avec moins de 14% des suffrages), et de Mme Gaumelle Yirika, cadre du parti d’un autre can­didat d’opposition, André Okombi Salissa.

Envenimer le paysage
Ces arrestations viennent envenimer le pay­sage politique alors que l’IDC-Frocad a qualifié de « forfaiture » les résultats officiels — validés lundi 4 avril par la Cour constitutionnelle — et donnant M. Sassou Nguesso vainqueur dès le premier tour avec plus de 60 % des voix.

La validation des résultats avait immédiate­ment donné lieu à des affrontements armés. Ainsi, deux jours durant, des affrontements ont opposé les forces de l’ordre congolaises à des assaillants non identifiés dans des quartiers sud de la capitale Brazzaville acquis à l’oppo­sition. Le gouvernement a mis en cause une colonne de miliciens armés sous les ordres du « pasteur » Ntumi, l’ancien chef des Ninjas — milice anti-Sassou Nguesso ayant combattu les autorités de Brazzaville pendant la guerre civile de 1998 à 2003 dans la région du Pool (sud du Congo), proche de Guy-Brice Parfait Kolélas (deuxième candidat à la prési­dentielle). Ils ont été accusés d’attaquer les quartiers sud de la capitale. Mais personne ne croit vraiment à cette version en dehors du cercle du pouvoir. Pourtant, pour prouver ces accusations, Nguesso a démis de ses fonctions Frédéric Ntumi Bintsamou en qualité de délé­gué général auprès du président de la République, chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre.

A la suite d’un accord de paix l’autorisant à conserver 75 hommes armés pour assurer sa sécurité, Ntumi avait été nommé par décret en 2007 à son poste auprès du chef de l’Etat. En vue de la présidentielle du 20 mars, le pasteur Ntumi a fait campagne pour le candidat d’opposition Guy-Brice Parfait Kolélas, originaire du Pool comme lui.

Selon de nouveaux témoins, des hélicoptères de l’armée ont, vendredi dernier, encore pilonné plusieurs localités du département du Pool, pré­cisément dans le district de Goma Tsé Tsé, où le pasteur Ntumi a des bâtiments ou des activités. Certains témoins parlent de victimes civiles. Aucun bilan de ces opérations n’est encore dis­ponible. Très peu d’informations circulent sur cette opération lancée le 4 avril par les autorités. Mais une chose est sûre, ces troubles ne sont pas de bon augure pour le nouveau mandat de Sassou Nguesso. Président du Congo depuis 1997, Nguesso a été réélu à la tête du Congo au premier tour avec 60,39 % des voix.

Il avait pu se présenter après un remaniement de la Constitution qualifié de coup d’Etat constitutionnel par ses détracteurs. Nombreux sont ceux à Brazzaville et à Pointe Noire à penser que Denis Sassou Nguesso est capable de garder son pouvoir. La police est massive­ment entre les mains du régime. Trois grands corps sont totalement dédiés au président : la Garde Républicaine (GR), la Direction Générale de la Sécurité Présidentielle (DGSP) et la Direction Générale de Surveillance du Territoire (DGST). Et leur recrutement se fait souvent sur une base ethnique .

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