Après plus de deux semaines d’intervention militaire française au Mali, et lors d’une offensive éclair, les soldats français et maliens ont pu samedi reconquérir Gao, grand bastion des islamistes armés, à 1 200 km au nord-est de Bamako. Le jour d’après, une progression franco-malienne a eu lieu parallèlement par voie terrestre sur un autre front, en direction de Tombouctou, ville phare de l’islam en Afrique, à 900 km au nord-est de Bamako. Lundi matin, des soldats français et maliens contrôlaient les accès et l’aéroport de Tombouctou, à l’issue d’une opération terrestre et aérienne menée dans la nuit, a-t-on annoncé de sources militaires françaises et maliennes. Selon des sources sécuritaires, l’avancée des troupes n’a pas affronté de résistance. « Nous contrôlons l’aéroport de Tombouctou. Nous n’avons rencontré aucune résistance. Il n’y a aucun problème de sécurité en ville », a annoncé un officier supérieur de l’armée malienne.
Lors de la reconquête de Gao, qui compte 50 000 à 60 000 habitants, plusieurs groupes terroristes ont été détruits ou chassés vers le nord. Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes armés, Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine (défenseurs de l’islam), et l’Algérien Abou Zeid, l’un des émirs d’Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi), se sont réfugiés dans les montagnes de Kidal où des positions islamistes ont été bombardées samedi par des avions français.
La maison d’Ag Ghaly, ex-militaire et ex-figure des rébellions touareg des années 1990 au Mali, a été détruite, a indiqué une source malienne de sécurité. L’aviation française a aussi bombardé des positions islamistes dans leur fief de Kidal, à 1 500 km de Bamako.
Par ailleurs sur le théâtre des opérations maliennes, des soldats tchadiens et nigériens sont venus par avion du Niger voisin, marquant de manière frappante l’entrée des troupes de la force africaine. Ces soldats vont participer au renforcement de la position de Gao.
En effet, plus de 6 000 soldats ouest-africains et tchadiens doivent à terme être déployés au Mali pour prendre le relais de l’armée française, mais ils n’arrivent qu’au compte-gouttes et leur déploiement est ralenti par de sérieux problèmes de financement et de logistique.
En outre, et lors du 20e sommet de l’Union Africaine (UA) tenu ce dimanche à Addis-Abeba, le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a appelé la communauté internationale à continuer à se mobiliser pour le Mali. « Chacun pouvait contribuer, selon ses possibilités, à aider ce pays et ceux de l’Afrique de l’Ouest qui viennent à son secours », explique-t-il.
Pour sa part, le président sortant de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, a déploré dimanche devant ses pairs réunis en sommet, la lenteur de l’organisation à agir pour défendre le Mali et a « salué » l’intervention française. « Je tiens à saluer la France qui, face aux délais de réaction extrêmement longs des leaders africains et même de la communauté internationale, a pris les devants pour faire ce que nous aurions dû faire », a déclaré le président béninois, avant de passer la présidence tournante de l’UA au premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn.
Critique à peine voilée
Le président sortant a regretté, concernant la gestion de problèmes sécuritaires dans une région, une tendance à « mettre à l’écart les autres régions qui auraient pu au nom de la solidarité interrégionale apporter leur soutien combien salutaire », dans une critique à peine voilée de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui déploie des troupes au Mali. Vendredi dernier, deux jours avant le début du sommet de l’UA, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a décidé d’augmenter à près de 6 000 hommes les effectifs de la force africaine au Mali et a pressé l’Onu de fournir une aide logistique « temporaire » pour accélérer son déploiement.
En décembre, le Conseil de sécurité de l’Onu avait autorisé le déploiement d’une Force internationale de soutien au Mali (Misma), pour aider la faible armée malienne à reconquérir le nord du pays.
En outre et en ce qui concerne l’aide américaine dans l’affaire malienne, l’aviation française devrait bientôt recevoir l’appui d’avions ravitailleurs américains, le Pentagone ayant répondu favorablement à une requête de Paris en ce sens faite il y a plus de deux semaines. Samedi, les Etats-Unis ont accepté de ravitailler en vol des avions français.
Cette décision, annoncée par le secrétaire américain à la Défense, Léon Panetta, à M. Le Drian, marque une montée en puissance de l’implication des Etats-Unis dans le conflit malien. Vendredi dernier, le président Barack Obama avait appelé son homologue français, François Hollande, pour lui exprimer son soutien.
L’armée américaine dispose d’une flotte sans équivalent de plus de 400 avions ravitailleurs KC-135. La France, de son côté, mobilise déjà une partie importante de ses 14 avions ravitailleurs vieillissants pour ses missions aériennes au Mali.
Washington a jusqu’à présent fourni des gros-porteurs C-17, ainsi qu’un soutien en matière de renseignements via les satellites et sans doute des drones.
Parallèlement aux opérations militaires, le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a de même adressé dimanche, pendant le sommet de l’UA, une feuille de route devant mener au rétablissement complet de l’ordre constitutionnel au pays.
Le Mali est dirigé par des autorités de transition mises en place après le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012 qui avait renversé le régime du président Amadou Toumani Touré et précipité la chute du vaste nord du pays aux mains de groupes armés, des djihadistes mais aussi des rebelles touareg.
Lien court: