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Impuissance africaine au Burundi

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 01 mars 2016

Renforcer la mission d’observateurs et d’experts militaire. C'est le résultat de la visite de l'Union africaine au Burundi, accepté par le pouvoir mais considéré par l'opposition comme un moyen de conforter le président Nkurunziza.

Tenter de mettre fin à la crise politique dans laquelle est plongé le Burundi depuis 10 mois. C’était le but de la visite d’une délégation de haut niveau de l’Union Africaine (UA), emmenée par le président sud-africain, Jacob Zuma, et composée des présidents mauritanien, sénégalais, gabonais et du premier ministre éthiopien. Cette délé­gation est restée deux jours à Bujumbura. Deux jours au cours desquels elle a rencontré le président Pierre Nkurunziza ainsi que des représentants de l’opposition.

Au bout de ces discussions, le président Zuma, chef de la délégation, a annoncé que l’UA allait « déployer 100 observateurs des droits de l’homme et 100 experts militaires pour surveiller la situation ». Un mini-résul­tat qui ne risque pas de mettre fin à la crise. Certes, jusque-là, le président Pierre Nkurunziza refusait la demande de l’UA de déployer une force de maintien de paix aux pays. Il s’agit donc d’une sorte de compro­mis. Cela dit, ce compromis a été rejeté par l’opposition. Le président du parti d’opposi­tion, Uprona, a fait part de sa déception : « Nous avons eu l’impression que ces chefs d’Etat sont venus conforter Nkurunziza dans son troisième mandat ».

La profonde crise politique dans laquelle est plongé le Burundi depuis 10 mois est née de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, qu’il a obtenu en juillet dernier. Les violences, désormais armées, qui s’ensuivirent, ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 240 000 personnes à quitter le pays. Des organisations de défense des droits de l’homme ont même dénoncé l’existence de fosses communes, de nombreux cas d’exécu­tions sommaires et d’assassinats ciblés.

Face à ces violences, l’UA avait renoncé fin janvier à déployer dans ce petit pays des Grands Lacs une force d’interposition et de protection africaine de 5 000 hommes (Maprobu). Le dernier sommet de l’Union africaine avait en effet mis un coup d’arrêt à ce projet, ceci avec le refus du président burundais qui y voit une sorte d’attaque de la souveraineté de son pays. Toutefois, le fait de porter à 100 le nombre de ses observa­teurs des droits de l’homme, ainsi que pour ses experts militaires « non armés » peut être un pas vers l’activation de ce projet.

S’il y a eu une petite avancée à ce sujet, le deuxième objectif de la mission africaine, lui, n’a pas du tout été atteint. Rien n’a en effet été décidé quant à la relance d’un pro­cessus de dialogue interburundais. « La solu­tion aux problèmes politiques du Burundi ne peut être trouvée que par le biais d’un enga­gement inclusif et pacifique des parties », a ainsi indiqué le communiqué publié samedi sur le site de la présidence sud-africaine. Ce qui veut dire l’absence de volonté de la part des parties burundaises. La délégation à certes appelé le médiateur ougandais à orga­niser le plus vite possible un dialogue inclu­sif, mais elle a précisé que ce serait avec « les acteurs importants » de la crise. Il s’agit d’une formulation plutôt vague qui ne tranche pas l’affaire et qui laisse une grande marge d’interprétation, ce qui convient sans doute au pouvoir du président Pierre Nkurunziza. Ce dernier a refusé jusqu’ici de s’asseoir autour de la même table que le CNARED (Conseil National pour le Respect de l’Accord d’Arusha et de l’Etat de Droit au Burundi), une plate-forme qui regroupe la quasi-totalité de l’opposition burundaise. Bujumbura l’accuse d’être l’instigatrice de la contestation du 3e mandat du président et d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat en mai 2015. Nkurunziza s’appuie pour cela sur la résolution 2048 de l’Onu qui l’appelle à un dialogue avec des interlocu­teurs « pacifiques ».

C’est pour ces mêmes raisons, les précé­dentes tentatives de pourparlers, déjà sous l’égide de l’Ouganda, avaient échoué. Selon le président du Cnared, Léonard Nyangoma, le pouvoir « a peur de la présence du Cnared à la table des négociations, parce qu’il représente réellement l’opposition ». Mais ce n’est pas le gouvernement qui « va dési­gner les protagonistes aux négociations, c’est la médiation », estime-t-il. Une média­tion que le mouvement d’opposition souhaite rencontrer, notamment pour « accélérer le processus de dialogue. Ces médiations représentent un intérêt non négligeable ». Malgré l’impuissance apparente de leur démarche, elles maintiennent le Burundi en vue dans l’agenda international.

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