Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra sont les deux candidats arrivés en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Centrafrique tenu le 30 décembre dernier. Dans ce pays très pauvre de 4,8 millions d'habitants, essentiellement rural, les électeurs ont participé massivement et dans le calme à la présidentielle et aux législatives, plusieurs fois reportées. Parmi les trente candidats en lice au départ, Dologuélé, l’un des favoris, a recueilli 23,78 % des suffrages, devant son principal rival, l’outsider Touadéra, 19,42, selon les résultats provisoires annoncés par l’Autorité Nationale des Elections (ANE). Un deuxième tour est prévu le 31 janvier. Mais qui sont alors ces deux rivaux ?
Anicet Georges Dologuélé, 58 ans, parfois surnommé « M. Propre » pour sa gestion rigoureuse des affaires lorsqu’il était premier ministre d’Ange-Félix Patassé entre 1998 et 2001.Il était l’un des favoris du scrutin. Dologuélé avait obtenu, à la dernière minute, le soutien officiel du parti de l’ex-président François Bozizé — renversé en 2013 et qui n’a pas pu participer au scrutin — , le Kwa Na Kna (KNK), dont les fiefs de Bangui et des régions de l’ouest comptent parmi les plus peuplés du pays. Ainsi, il a su s’imposer à grand renfort de communication sur le terrain, à Bangui comme en province. Ses affiches étaient partout dans la capitale centrafricaine, tandis que de nombreux candidats manquaient de moyens financiers pour le faire.Par ailleurs, ce banquier de formation, qui a servi à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), a créé l’Union pour le Renouveau Centrafricain (URCA), parti au nom duquel il se présente à la présidentielle et aux législatives dans la région de Bocaranga (nord) dont il est ressortissant. C’est la première fois qu’il est candidat à des élections.
Pour Faustin Archange Touadéra, 58 ans, il est aussi connu comme « l’homme qui payait les salaires des fonctionnaires » : cette popularité vient des fonctionnaires qui lui doivent la bancarisation de leurs salaires après plusieurs décennies d’atermoiements les conduisant à s’endetter lourdement, à cause de retards répétés dans les versements de primes impayées, etc. « Il restera comme celui qui a payé les fonctionnaires, et il est très apprécié pour cela », souligne une source diplomatique à Bangui à l’AFP.Resté dans l’ombre durant toute la campagne, l’outsider est sans conteste la grande surprise de ce premier tour. Lui qui fut le dernier premier ministre de Bozizé (2008-2013) a réalisé de très bons scores dans les fiefs de l’ex-président dans l’ouest du pays. Ainsi, il a pu bénéficier d’une frange importante de l’électorat traditionnel du KNK, malgré les directives du bureau du parti, de l’avis de plusieurs observateurs avisés. Sur le plan politique, il a eu à conduire le dialogue inclusif réunissant à Bangui fin 2008 le pouvoir, l’opposition, la société civile et les mouvements rebelles, à l’issue duquel ont été signés plusieurs accords de paix importants avec les rébellions.
En outre, certains candidats ont suscité une polémique sur le processus électoral : deux tiers d’eux avaient dénoncé des irrégularités et réclamé « l’arrêt des opérations électorales ». Le gouvernement était aussitôt intervenu, affirmant qu’il n’était « pas question » d’interrompre le processus en cours, et le décompte des voix s’était poursuivi.La majorité des contestataires avaient alors fait marche arrière, mais certains, comme Karim Meckassoua, présenté au départ comme un poids lourd du scrutin mais arrivé septième, ont précisé qu’ils utiliseraient les voies de recours légales pour contester les résultats provisoires devant la Cour constitutionnelle. « Il y a certainement eu des fraudes à certains endroits et de gros problèmes d’organisation qui ont perturbé le scrutin, mais il est peu probable qu’il y ait eu une fraude massive, notamment parce que les principaux candidats avaient déployé des mandataires pour surveiller les bureaux de vote pendant le scrutin et le centre de traitement des résultats à Bangui », estime une source diplomatique, sous couvert d’anonymat. Malgré l’insécurité et le défi logistique, la Centrafrique s’efforce de se remettre debout après deux années de transition chaotique dirigée par Catherine Samba Panza et qui ont été marquées par de nombreuses violences, tandis que l’économie vivait sous perfusion de l’aide extérieure. La Centrafrique est plongée dans le chaos depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par l’ex-rébellion Séléka, elle-même finalement chassée du pouvoir par une intervention internationale menée par la France dans son ancienne colonie début 2014.
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