L'envoi d'une mission de l'UA est rejeté par plusieurs personnalités politiques et parlementaires.
(Photo:AFP)
« Toutle monde doit respecter les frontières du Burundi. Si des troupes viennent (… ) elles auront attaqué le Burundi, et chaque Burundais devra se lever pour les combattre », a juré le président burundais, Pierre Nkurunziza, en kirundi, la langue nationale, lors d’une conférence de presse ouverte au public cette semaine, à Gitega, dans le centre du pays.
Cette déclaration répondait à l’annonce par l’UA mi-décembre de la création d’une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu). Le président burundais, qui a rejeté cette décision, a prévenu mercredi 30 décembre que son pays « s’opposerait par la force à l’envoi de soldats de l’Union Africaine (UA) sur son sol », mettant en garde que si le déploiement de cette force avait lieu sans son aval, elle serait considérée comme une « force d’invasion et d’occupation ». La crise au Burundi avait débuté avec la candidature fin avril dernier du président Nkurunziza — réélu en juillet — à un troisième mandat. Sa décision de se représenter à la présidentielle a été vivement contestée par l’opposition, la société civile et une partie de son propre camp qui l’estime contraire à la Constitution et à l’accord d’Arusha, ayant permis la fin de la guerre civile (1993-2006) entre l’armée dominée alors par la minorité tutsi et des rébellions hutu.
Malgré la mise en échec d’un coup d’Etat en mai dernier, la répression brutale de six semaines de manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura et la réélection de Nkurunziza lors d’un scrutin controversé en été, les violences n’ont cessé de s’intensifier. Elles ont pris une tournure particulièrement macabre en cette fin d’année avec l’attaque de plusieurs cibles militaires de Bujumbura et l’exécution d’une centaine de jeunes hommes en représailles. Le Burundi est donc plongé dans une profonde crise politique qui a poussé plus de 200 000 personnes à quitter le pays, selon l’Onu.
Ainsi, malgré cette situation inquiétante, plusieurs responsables politiques et parlementaires burundais ont déjà officiellement rejeté la création de la Mission africaine voulue par l’UA. Le président burundais a invoqué plusieurs raisons pour ce refus de la Maprobu qui devrait compter 5 000 hommes. « On ne peut pas envoyer de troupes dans un pays si le Conseil de sécurité des Nations-Unies ne l’a pas accepté ». Il a expliqué que la résolution des Nations-Unies (votée à la mi-novembre, Ndlr) dit que la communauté internationale doit respecter l’indépendance du Burundi, et doit respecter ses frontières.
En fait, l’Union africaine a soumis sa proposition à l’Onu. La présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, a écrit au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, pour lui demander le « soutien entier » des Nations-Unies à ce sujet. Des diplomates ont indiqué cette semaine que des représentants de l’Onu prévoient de se rendre au Burundi ce mois de janvier pour tenter d’empêcher le pays de sombrer dans la guerre civile, mais ils n’ont toujours pas reçu l’accord du gouvernement burundais.Les Etats-Unis avaient programmé une visite au Burundi en décembre, mois durant lequel ils tenaient la présidence tournante du Conseil de sécurité, mais la visite n’a pas pu se matérialiser.
« C’est très important pour le Conseil de sécurité de se rendre au Burundi et nous faisons tout pour que cela puisse se faire », a déclaré l’ambassadeur-adjoint des Etats-Unis à l’Onu, David Pressman. Et d’ajouter : « La situation est mouvante, dangereuse et mérite la pleine attention du Conseil ». Selon des diplomates s’exprimant sous couvert de l’anonymat à l’AFP, la visite, si elle obtient l’aval du gouvernement, aura lieu entre le 15 et le 22 janvier.Le chef de l’Etat burundais croit, lui, que l’envoi d’une mission de paix ne se justifie qu’en présence de deux forces belligérantes qui s’accordent sur une force d’interposition. « Ce n’est pas le cas ici, car nous faisons face à un problème de sécurité. Ce n’est pas une question politique, car celle-ci a été réglée par les élections ».
L’Union africaine a réagi en martelant qu’elle « ne permettra pas un autre génocide » sur le continent. Zuma s’est déclarée prête « à engager sans délai des discussions avec le gouvernement du Burundi afin de convenir des modalités de déploiement » de la mission de maintien de la paix. A cette initiative, le chef d’Etat burundais a répondu par une cinglante fin de non-recevoir.
Cette tension entre Nkurunziza et l’UA pourrait avoir une influence sur le dialogue interburundais, péniblement relancé ces derniers jours à Kampala. Interrompu depuis juillet dernier, le dialogue est censé reprendre ce mercredi 6 janvier à Arusha, en Tanzanie, mais Bujumbura a déjà fait savoir qu’il n’y avait «pas de consensus» sur cette date décidée par le président ougandais, Yoweri Museveni, médiateur désigné par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC).
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