Le président guinéen sortant, Alpha Condé, a été déclaré cette semaine vainqueur au premier tour de la présidentielle qui a été tenu le 11 octobre dernier. La Commission électorale l’a proclamé président avec 57,85 % des suffrages exprimés, soit 2 285 827 voix, devant le chef de l’opposition Cellou Dalein Diallo, à 31,44 % (1 242 362 voix), les six autres candidats étant totalement distancés. Si dans l’immédiat les deux camps affichaient leur volonté d’apaisement, l’opposition qui s’oppose à cette réélection compte manifester « le moment venu ».
Dénonçant une fois de plus une « mascarade », Diallo a annoncé renoncer à la Cour constitutionnelle, institution dont il conteste l’indépendance. En revanche, le chef de l’opposition a précisé qu’il appellerait « le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques ». « En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d’éviter toute forme de violence », a-t-il conclu. L’opposant a mis en cause les taux de participation d’environ 90 % annoncés dans les bastions électoraux du président sortant, favorisés, selon lui, par une série de décisions de la Commission électorale nationale indépendante assouplissant les règles de vote pendant le scrutin.
En fait, la campagne de M. Condé visait une réélection au premier tour. Une performance jugée par ses adversaires irréalisable sans fraude caractérisée, cinq ans après sa victoire sur le fil au second tour sur Cellou Dalein Diallo. Le président Condé tablait pour l’emporter sur son bilan : réforme de l’armée et de la justice, achèvement du barrage hydroélectrique de Kaléta, transparence sur l’attribution aux sociétés minières des contrats d’exploitation des précieuses ressources du pays (bauxite, minerai de fer, etc.).
Ses détracteurs l’accusent de mauvaise gestion, lui reprochant notamment son échec face à l’épidémie d’Ebola depuis décembre 2013 — deux nouveaux cas ont été signalés cette semaine, alors que les pays voisins n’en comptent plus aucun — son autoritarisme et le fait d’attiser les tensions ethniques. « On s’attendait tous à cela », a confié Harouna Condé, militant du parti au pouvoir. « Il méritait d’être plébiscité encore une fois à la tête de la nation », a-t-il estimé.
Inégalités géographiques
L’opposition a incriminé les décisions de la Commission électorale assouplissant les règles de vote en plein scrutin, ainsi que des inégalités géographiques dans la distribution des cartes d’électeurs. Mais elle risque d’avoir du mal à se faire entendre, les recours judiciaires en matière électorale, auxquels l’invite la communauté internationale, n’ayant jamais abouti en Guinée.
Rappelant qu’il s’agissait « de résultats encore provisoires qui devront être validés par la Cour constitutionnelle », le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour l’Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, a encouragé « fortement tous les acteurs qui souhaitent les contester à user du droit de recours » prévu par la Constitution et le Code électoral.Présent à Conakry, le responsable de l’Onu a demandé « instamment » dans un message vidéo diffusé samedi dernier « à tous les leaders politiques et à leurs partisans de faire preuve de retenue et de s’abstenir de tout acte d’intimidation ou de violence, y compris verbale ».
Pour sa part, le porte-parole d’Alpha Condé, Albert Damantang Camara, a déploré l’attitude de l’opposition, jugeant « incompréhensible que, de but en blanc, sans avoir même essayé un quelconque recours que ce soit, on déclare vouloir manifester dans la rue pour revendiquer ses droits ». « Il y a une Cour constitutionnelle, celle-là même qui vient d’être mise en place, qui n’a pratiquement jamais fonctionné », a-t-il souligné, s’étonnant « qu’on puisse douter a priori de sa compétence ou de son impartialité ». Par ailleurs, la rentrée scolaire, prévue lundi dernier, a été reportée au 2 novembre, le ministère de l’Enseignement, les représentants des parents d’élèves et des enseignants, compte tenu des tensions autour des résultats électoraux, estimant « plus prudent de garder les enfants à la maison », selon le gouvernement. A quelques jours du scrutin, des violences ont déclenché entre les partisans des deux camps Condé et Diallo, dans quelques régions de Guinée causant la mort d’une dizaine de personnes et la mort d’autres. Rappelant aussi que la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013 avaient été entachées par des violences post-électorales et accusations de fraude .
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