En campagne pour la présidentielle controversée du 15 juillet, le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, n’a pas assisté au sommet des chefs d’Etat est-africains consacré à la crise politique dans son pays et qui s’est tenu lundi à Dar es-Salam en Tanzanie. C’est dire que la crise burundaise n’est pas près de se terminer.
En effet, sans la coopération du régime, il était prévisible que le sommet de Dar es-Salam n’aboutisse à rien. Cette rencontre, organisée par la Communauté est-africaine (EAC : Burundi, Tanzanie, Rwanda, Ouganda et Kenya), est d’ailleurs la troisième du genre en moins de deux mois portant sur la crise déclenchée par l’annonce, fin avril dernier, de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat jugé inconstitutionnel par l’opposition.
Et jusque-là, aucune issue n’a été trouvée puisque les élections communales et législatives ont été tenues comme prévu le 29 juin, et que la date des présidentielles est maintenue au 15 juillet. Et ce, malgré les multiples appels à un report du scrutin pour désamorcer la crise. En effet, compte tenu de la crise, et du climat d’insécurité dans le pays, l’EAC, comme la quasi-unanimité de la communauté internationale (Union africaine, Union européenne, Etats-Unis, Onu ...), réclamait un report des élections générales burundaises, ouvertes le 29 juin par des législatives et communales dont les résultats sont encore attendus.
Les Etats-Unis ont une fois de plus réclamé, jeudi, le report de la présidentielle du 15 juillet au Burundi et dénoncé la tenue, lundi, d’élections législatives et communales dans le pays d’Afrique de l’Est, estimant que les conditions n’étaient pas réunies pour des votes impartiaux. Cet appel fait écho à des demandes similaires non seulement de l’Union africaine mais aussi des Nations-Unies et de l’Union européenne. La validité des élections législatives et communales a notamment été mise en doute par l’Onu, qui a estimé que les élections n’étaient « ni crédibles, ni libres ».
Le déroulement des élections a donné lieu à une sévère charge de la Mission Electorale de l’Onu dans le pays (Menub), la seule parmi la communauté internationale à avoir maintenu ses observateurs déployés à partir du 1er janvier dernier. Dans un rapport de neuf pages, la Menub détaille les violences, les intimidations, les violations des droits de l’homme et les restrictions à la liberté d’expression. Elle dépeint « un climat de peur et d’intimidation généralisées dans certaines parties du pays » et des élections principalement dirigées par le parti au pouvoir et ses alliés, tandis que les partis d’opposition étaient « beaucoup moins visibles ».
Malgré toutes ces critiques, la Commission électorale (Céni) semble prête à aller jusqu’au bout. Son président indiquait ce samedi : « Nous sommes en train de réceptionner les bulletins de vote pour l’élection présidentielle, donc nous nous préparons pour le rendez-vous du 15 ». Si les décomptes provisoires montrent que le CNDD-FDD, parti actuellement au pouvoir, est en tête, l’opposition, qui a dénoncé une « mascarade » électorale, a déjà annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats. Et, pour narguer davantage l’opposition et les voisins du Burundi, pendant que les dirigeants de l’EAC étaient réunis en Tanzanie, M. Nkurunziza était, lui, en campagne présidentielle en province, en meeting dans les provinces de Mwaro et Gitega (centre). Une façon de faire face à tout le monde et de dire qu’il restera président coûte que coûte.
Or, ses opposants entendent eux aussi aller jusqu’au bout. Un des généraux à l’origine du coup d’Etat avorté mi-mai au Burundi a affirmé sur une télévision kényane que les putschistes étaient derrière les récentes attaques dans le pays et qu’ils entendaient chasser « par la force » le président. « Toutes ces actions en cours dans le pays, nous sommes derrière, et nous allons les intensifier jusqu’à ce que Nkurunziza comprenne », a déclaré Léonard Ngendakumana, bras droit du chef putschiste, Godefroid Niyombare, resté, selon lui, au Burundi pour « résister » et « se battre » contre le pouvoir en place, dans un entretien diffusé dimanche soir sur la chaîne KTN.
Risque de régionalisation
La crise ne concerne pas uniquement le Burundi et les pays africains voisins puisqu’elle pourrait facilement être le fusible d’une crise à l’échelle régionale. D’une part, la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, avait averti publiquement en mai dernier : « Bien que nous respections la souveraineté du Burundi dans le traitement des questions internes, le Rwanda considère la sécurité de la population innocente comme une responsabilité régionale et internationale ». D'autre part, Nkurunziza et son parti ont déjà mis un ton antidémocratique pour la saison électorale de l’Afrique de l’Est. La Tanzanie, qui tiendra des élections en octobre prochain, a récemment adopté une « loi de données » qui considère illégale toute donnée publiée sans avoir été approuvée par le gouvernement. En Ouganda, le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a déjà clairement fait savoir qu’il se présentera à nouveau en 2016. Les analystes s’attendent également au renouvellement des mandats de Joseph Kabila de la RDC et Paul Kagame du Rwanda .
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