Après huit mois d’intenses négociations, des représentants du gouvernement malien, de mouvements armés et de la médiation internationale ont signé, vendredi dernier à Bamako, l’accord de paix conclu à Alger, en l’absence cependant des principaux groupes de la rébellion à dominante touareg. Le document a été signé par le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, trois représentants de groupes pro-gouvernementaux, ainsi que deux membres de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion). L’accord a par ailleurs été signé par des représentants de plusieurs pays et organisations au nom de la médiation internationale : l’Algérie, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Tchad, l’Union africaine, l’Onu, la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), l’Union européenne et la France.
Cet accord vise à instaurer une paix durable dans le nord du Mali, qui a connu une série de rébellions touareg depuis les premières années d’indépendance du pays, en 1960. En 2012, il a été transformé en sanctuaire et en base d’opérations djihadistes, jusqu’au lancement de l’opération militaire française Serval en janvier 2013. Par ailleurs, si ce processus de paix a pris toute cette ampleur, les trois principaux groupes rebelles : le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) et la branche rebelle du Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA) n’ont pas assisté à la signature, comme annoncé. « C’est malheureusement le Mali qui signe avec le Mali », déclare, pessimiste et déçu, un diplomate de la sous-région. L’accord a été juste paraphé jeudi dernier à Alger par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Ceci au bout de deux mois et demi de pressions et d’atermoiements, et après avoir prévenu qu’elle ne viendrait pas le signer vendredi dernier à Bamako. Par contre, deux représentants de groupes de la CMA sont venus apposer leur signature au-bas du document : Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun de la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA), et Younoussa Touré, de la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de Résistance (CM-FPR2). Dans un communiqué diffusé samedi, la CPA a annoncé avoir suspendu M. Ag Mohamedoun en raison de sa présence à la cérémonie de signature.
Mais « parapher n’est pas signer », explique la coalition, qui exige de nouvelles discussions avec Bamako avant toute signature définitive. « Le paraphe est juridiquement distinct de la signature. Et c’est à ce titre que nous avons apposé notre paraphe au document d’Alger dans le but de continuer les discussions », explique ainsi Mossa Ag Attaher. Le porte-parole du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA, membre de la CMA), basé à Ouagadougou, complète son avis publié sur RFI : « Pour nous, au niveau de la CMA, le paraphe est un acte politique important qui démontre la bonne foi et la bonne volonté et toute la détermination de la CMA à aller vers l’aboutissement du processus de négociations et arriver à la paix ». Par ailleurs, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui a mené toutes les négociations, « regrette cette absence de la CMA ». Mais, analyse-t-il, « le paraphe me semble-t-il est une forme de reconnaissance de la validité de cet accord. Et la non-présence de la CMA à la signature, comme on dit, ce n’est pas la fin du monde. J’imagine qu’après la signature de l’accord, les contacts vont continuer. Mais pour que l’on puisse échanger dans la sérénité, il faut que la paix revienne ». Pour sa part, le chef des opérations de maintien de la paix de l’Onu, Hervé Ladsous, a souhaité samedi dernier que « le dialogue annoncé entre le gouvernement malien et la Coordination s’établisse sans délai » pour amener la Coordination des mouvements, qui exige des discussions supplémentaires pour signer l’accord, à la faire à son tour.
Rien n’indique si, oui ou non, de nouvelles discussions entre Bamako et les groupes armés reprendront rapidement. La CMA a pointé 14 points de l’accord de paix qu’elle souhaite revoir, notamment la volonté de créer une assemblée pour les régions du nord du Mali. La Coordination souhaite également que la majorité des soldats qui composeront l’armée régulière dans le nord soient issus de leurs groupes. Les rebelles demandent par ailleurs que le terme « Azawad », utilisé pour définir le nord du Mali et qui n’a pour le moment qu’une portée symbolique dans l’accord, revête à l’avenir une véritable valeur géographique et politique. Problèmes de sécurité avec la présence de djihadistes et de trafiquants, crise économique, crise alimentaire dans certaines zones, crise sociale aussi avec une absence de système de santé, de système éducatif ... Le nord du Mali est confronté à de réelles difficultés. Reste donc à voir si cet accord de paix permettra d’apporter des solutions concrètes aux populations.
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