Les manifestations ont agité la capitale Burundaise contestant un 3e mandat au président sortant.
(Photo: Reuters)
Le burundi, ce pays dont l’histoire politique récente a été marquée par une longue guerre civile (1993-2006) et des massacres ethniques, est menacé de nouveau. Bujumbura est en effet à feu depuis le 26 avril, date de l’annonce de la candidature du président sortant, Pierre Nkurunziza, à un troisième mandat. Une annonce qui a exacerbé les tensions entre le pouvoir et l’opposition. Depuis cette date, des manifestations quasi quotidiennes, émaillées de violents affrontements avec la police, agitent la capitale. Bilan : Six civils ont été tués — dont trois par balle — une dizaine ont été blessés et près de 600 personnes arrêtées. Ces chiffres risquent de croître avec la promesse des autorités burundaises, samedi dernier, de durcir la répression contre les opposants, au lendemain des attaques qui ont visé des policiers. « Ces manifestations cachent une entreprise terroriste », a dénoncé samedi le général Gabriel Nizigama, ministre de la Sécurité publique, disant « lier » les auteurs de ces attaques aux manifestants car « ils considèrent la police (...) comme leur ennemi ». Trois personnes, dont deux policiers, ont été tuées, et 17 personnes, dont 13 policiers, ont aussi été blessées vendredi, lors d’une double attaque à la grenade et à l’arme automatique à Kamenge, quartier périphérique du nord-est de Bujumbura, selon la police.
La réaction du peuple et celle de l’opposition n’ont pas dissuadé le président burundais. Seul contre tous, il continue ainsi de défier tout le monde. Les partis d’opposition, bien sûr, la société civile, mais aussi l’Eglise catholique burundaise et même de hauts responsables de son propre parti. Pierre Nkurunziza, 51 ans, élu en 2005 et réélu en 2010, ne peut, selon ses opposants, se représenter sans enfreindre la Constitution de 2005 et les accords de paix d’Arusha de 2000. Ses partisans arguent du fait qu’il fut élu, la première fois, en 2005, par le sénat, et non au suffrage universel instauré quelques mois plus tard. Un argument très contestable. Quatorze sénateurs ont demandé, le 29 avril, au Conseil constitutionnel de trancher la question. Problème : tous ses membres sont du parti présidentiel.
Si la police a pris le côté du président et cantonne les manifestants pour empêcher une démonstration de force, l’armée a choisi d’être hors de ce conflit. Le ministre burundais de la Défense a réaffirmé samedi la neutralité de l’armée. Le général Pontien Gaciyubwenge a également appelé « les acteurs politiques » à « éviter tout comportement indigne et action de nature à replonger le pays dans le sombre passé qu’il a vécu », dans une référence à la guerre civile des années 1993-2005. « L’armée, qui a tout de même perdu un soldat dans les affrontements, est dans une position de désamorçage du conflit », renchérit Christian Thibon, spécialiste du pays à l’Université française de Pau (sud-ouest).
Une parité ethnique
Au sortir de la guerre civile qui a opposé l’ex-armée tutsi à des rébellions hutu et fait quelque 300 000 morts entre 1993 et 2006, armée et police ont été recomposées. Aux termes de l’accord d’Arusha (2000) qui avait ouvert la voie à la fin du conflit, chacune est censée respecter une parité ethnique dans ses rangs, dans un pays très majoritairement peuplé de Hutu. L’armée qui passe pour mieux respecter cette contrainte, a hérité, à l’inverse d’une police reconstruite de toutes pièces, de la structure et du professionnalisme de l’ancien corps. Thibon pense alors que l’armée ne peut plus se permettre les révolutions de palais qu’elle s’autorisait quand un président perdait sa légitimité.
L’histoire post-coloniale burundaise est jalonnée de coups d’Etat. Mais, relève-t-il, l’armée est désormais « prisonnière de la logique de réconciliation » et doit respecter « a minima des acquis démocratiques ». Pour l’analyste, elle pourrait intervenir si « l’instabilité » s’aggravait drastiquement et si les militaires étaient légitimés à agir, par exemple si la communauté internationale le leur demandait.
Par ailleurs, la communauté internationale n’a pas encore réagi sévèrement, les responsables de l’Union européenne et de l’Union africaine ont demandé au président sortant de faire preuve de sagesse et de ne pas briguer un troisième mandat présidentiel. Mais les Etats-Unis ont choisi de durcir le ton. « Des mesures concrètes seront prises, dont des sanctions ciblées contre les responsables des violences, si les autorités refusent le dialogue au Burundi », a informé jeudi dernier un envoyé spécial du président américain Barack Obama à Bujumbura. Tom Malinowski a appelé le gouvernement à « revenir sur les mesures répressives », l’accusant de radicaliser la contestation. « Si les gens ne peuvent faire valoir leur opinion pacifiquement et dans le cadre de la loi (...), ils vont le faire moins pacifiquement et hors la loi », a-t-il averti .
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