Après une semaine de manifestations, faisant trois morts et une cinquantaine de blessés, l’opposition guinéenne semble déterminée à poursuivre sa querelle jusqu’au bout avec le pouvoir, au sujet des prochaines législatives. Samedi dernier, et comme une tentative d’apaiser la tension, les autorités ont proposé à l’opposition de reprendre le dialogue, un appel qu’elle a rejeté. «
Ça ne sert, absolument, à rien de dialoguer parce que nous connaissons clairement maintenant la position de M. Alpha Condé », a dit à l’
AFP, Fodé Oussou Fofana, vice-président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Une modification du calendrier électoral et l’organisation des scrutins locaux avant la présidentielle, c'est la demande répétée de l’opposition guinéenne. «
Ce qui nous reste à faire, c’est de manifester jusqu’à ce que lui-même, M. Alpha Condé, comprenne que nous n’accepterons pas d’aller à l’élection présidentielle avant les communales », a affirmé le responsable de l’UFDG, parti de l’ex-premier ministre, Cellou Dalein Diallo, principale formation d’opposition. L’opposition exige, en particulier, que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) revienne sur «
l’inversion du calendrier électoral », qui repousse les élections locales à 2016, après la présidentielle fixée à octobre. Pour sa part, le chef de l’Etat, Alpha Condé, invoquant les travaux de la CENI, a jugé «
techniquement impossible d’organiser ces élections communales avant 2016 », comme l’exige l’opposition. Il a balayé les soupçons de l’opposition que les exécutifs communaux provisoires, désignés par le pouvoir, faute de scrutin à cet échelon depuis 2005, ne favorisent des fraudes massives en sa faveur. Selon des spécialistes, l’opposition est persuadée d’avoir été flouée lors des élections de 2010 et 2013 (présidentielle et législatives, NDLR). «
L’opposition a un niveau de méfiance très élevé. Elle est sur cette ligne exigeante depuis longtemps déjà », explique Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée au groupe de réflexion
International Crisis Group (ICG). Interrogé par l’
AFP, Vincent montre qu’au-delà du chronogramme électoral, il y a beaucoup de points sur lesquels l’opposition trouve qu’il existe des problèmes, à tort ou à raison. La composition de la CENI, par exemple, ou encore le fichier électoral, la Cour constitutionnelle, le découpage électoral ... «
Et puis l’opposition est devenue très méfiante sur la question de la mise en oeuvre des résultats du dialogue, car elle a l’impression que le pouvoir peut signer des accords, mais biaiser sur leur application », explique-t-il.
Par ailleurs, la crise guinéenne a fait craindre la communauté internationale. C’est ainsi qu’une délégation de l’Onu a visité le pays pour une mission de trois jours, qui s’est terminée vendredi dernier. Après avoir rencontré des responsables de l’opposition et des autorités, la délégation a également appelé toutes les parties de conflit au dialogue. « Il serait important que les acteurs politiques dialoguent afin d’aboutir à une solution qui satisfasse tout le monde », a déclaré, vendredi dernier, à la presse le chef de cette mission, Simon Pierre Nani, un responsable du département des affaires politiques de l’Onu. Mais selon Vincent Foucher, l’exécutif doit d’abord s’engager à organiser les communales avant la présidentielle et appeler à un dialogue à l’agenda très large. « Une fois cet engagement pris, l’opposition devrait accepter d’aller discuter et produire un programme précis des aménagements qu’elle juge nécessaires, avec un calendrier réaliste », conclut-il.
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