La France des Lumières, la France des droits de l’homme, la France des libertés semble avoir quelque peu oublié les valeurs fondamentales qui forment la République. Depuis le 7 janvier dernier, date de l’attaque contre Charlie Hebdo, la justice française fait preuve d’incohérence et de réactions hystériques. Ainsi, le ministère français de la Justice a recensé 117 procédures pour « apologie du terrorisme » et « provocation à la haine raciale », sur 251 procédures pénales ouvertes depuis ladite attaque. Sur l’ensemble des faits, « 77 personnes ont été jugées en comparution immédiate et 39 condamnations ont été prononcées, dont 28 à des peines de prison ferme, dont 20 avec un mandat de dépôt à l’audience. 22 autres sont convoquées devant le tribunal correctionnel ».
Ce sont, en effet, les événements de Charlie Hebdo qui ont remis sur le tapis cette question. Or, si le délit d’« apologie du terrorisme » existe depuis longtemps, c’est une loi datant de novembre 2014 qui a ouvert la voie à la possibilité de juger ces affaires en comparution immédiate. Mais c’est la première fois que son application aussi flagrante soulève les critiques et fait couler beaucoup d’encre.
Trois critiques essentielles ont été lancées : d’abord, l’idée même de comparution immédiate. Les tribunaux jugent dans l’urgence des affaires qui devraient être étudiées avec beaucoup plus d’intérêt et qui devraient prendre plus de temps et de recul.
Ensuite, c’est la notion même « d’apologie du terrorisme » qui est à revoir, du moins à être plus précise pour éviter les dérives. Une notion qui reste floue. Selon le journal Le Monde, une circulaire du 12 janvier de la ministre française de la justice, Christiane Taubira, donne la définition suivante : « L’apologie consiste à présenter ou commenter des actes de terrorisme en portant sur eux un jugement moral favorable ». Sans autre précision, l’article 421-2-5 du code pénal condamne « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » à cinq ans d’emprisonnement (sept ans si les faits ont été commis sur Internet) ou 75 000 euros d’amende, explique toujours Le Monde. Mais la définition est large et ouvre la voie à une application tous azimuths. D’ailleurs, le syndicat français de la Magistrature a lui-même pointé du doigt certaines dérives. Dans un communiqué publié le 20 janvier, ce syndicat écrit : « Depuis quelques jours s’enchaînent les procédures expédiées, où l’on a examiné et jugé le contexte, à peine les circonstances des faits, si peu l’homme est poursuivi pour avoir fait l’apologie du terrorisme ». Un texte sévère, qui invite à « résister à l’injonction de la répression immédiate » où il est notamment question de justice « désastreuse », de manque de « recul » et de « réactions hystérisées ».
Enfin, les mesures et les peines prises mettent la France dans une position paradoxale et délicate : Dans un contexte où la liberté d’expression est défendue corps et âme comme étant l’un des fondements de la République, la France prend aujourd’hui le risque de le fragiliser en donnant l’impression que tout n’est pas digne du cadre protecteur de la loi sur la presse de 1881.
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