La paix ou la guerre? L’unité ou le déchirement? Que va apporter le nouvel an à une Ukraine devenue, en 2014, un « bouc émissaire » dans une guerre sans merci qui oppose les Grands de la terre sur les zones d’influence? Pour l’heure, la réponse à cette question ne souffle que pessimisme et inquiétude: les évolutions sur le sol ukrainien ne promettent rien de bon pour cette ex-République soviétique déchirée entre la Russie et l’Occident depuis avril dernier. Même l’unique lueur d’espoir que constituent les pourparlers de paix de Minsk, qui ont démarré en septembre entre Kiev et les séparatistes pro-russes, n’a pas réussi à instaurer un cessez-le-feu dans l’Est ukrainien. Preuve de cette impasse: un nouveau cycle de pourparlers n’a pas eu lieu cette semaine à Minsk entre les autorités ukrainiennes et les séparatistes pro-russes, comme c’était initialement prévu. Interrompues depuis 4 mois, les négociations de Minsk avaient repris à l’arraché la semaine dernière en présence des représentants de la Russie et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), sans réaliser de grands résultats.
La seule avancée tangible réalisée lors de cette rencontre était la conclusion d’un accord sur l’échange de 222 séparatistes contre 150 Ukrainiens. Il s’agit du plus important échange des prisonniers depuis le début des hostilités en avril. Prouvant sa bonne volonté à mettre en oeuvre un tout premier accord sans retard, le président ukrainien, Petro Porochenko, a libéré samedi les 222 rebelles et a accueilli à Kiev les militaires ukrainiens libérés « comme des héros ». Selon les experts, cet échange de prisonniers n’est qu’un premier pas sur un long chemin semé d’embûches, car jusqu’à présent, les deux parties campent sur leurs positions disparates et inconciliables. Alors que les insurgés, soutenus par Moscou, réclament la reprise du financement des zones sous leur contrôle, coupé par Kiev à la mi-novembre et un « statut spécial » pour les régions de Donetsk et de Lougansk. Kiev, soutenue par les Occidentaux, exige l’annulation rapide des élections qui ont eu lieu début novembre dans l’Est séparatiste.
Un dialogue de sourds qui ne promet rien de bon pour l’avenir. Aggravant la crise, les autorités ukrainiennes ont foulé aux pieds cette semaine les revendications des séparatistes et ont multiplié les mesures asphyxiant la Crimée, rattachée à la Russie en mars dernier, mais très dépendante de Kiev. Proies à une coupure d’électricité et à une suppression de trajets en train et en car, les 2,3 millions de Criméens ont fêté Noël dans l’obscurité et l’isolement. Une manoeuvre ukrainienne visant à faire pression sur Moscou.
La confrontation s’exacerbe
Outre ce dialogue de sourds, les pourparlers de Minsk vont rester lettre morte tant que les vrais maîtres du jeu, Moscou et l’Occident, poursuivent leur bras de fer sur les zones d’influence. Les jours à venir, on pourrait assister à un grave coup de théâtre qui pourrait enflammer la crise. Ce coup ne serait autre que l’imposition d’un nouveau train de sanctions américaines contre Moscou, suite à l’adoption du Congrès américain d’une loi, autorisant de nouvelles sanctions contre la Russie et une augmentation de l’aide militaire à l’Ukraine. Même si le président américain s’oppose pour le moment à une telle mesure pour ne pas compliquer la crise avec Moscou, on pourrait s’attendre à ce qu’il finisse par céder à la pression des républicains qui dominent le Congrès.
En butte à de nouvelles sanctions qui courberaient de plus en plus son dos, la Russie semble pourtant défiante et prête à payer n’importe quel prix pour ne pas voir à ses frontières une Kiev européenne où pourraient être plantées des bases de l’Otan, qui seront, pour elle, une menace existentielle. Cette semaine, le Kremlin a ouvertement déclaré la guerre à l’Otan, publiant la nouvelle version de la doctrine militaire de la Russie, approuvée par Vladimir Poutine, qui pointe l’Otan comme une « menace fondamentale » pour la sécurité du pays.
La doctrine s’inquiète ainsi du renforcement des capacités offensives de l’Otan directement aux frontières russes en Pologne et dans les Pays baltes, se réservant le droit de recourir à son arsenal nucléaire en cas de « menace pour l’existence même de l’Etat ».
Autre facteur à envenimer l’inquiétude de Moscou cette semaine, est le vote très symbolique du Parlement ukrainien sur l’abandon du statut de pays non-alignés, décision qui permet à terme à l’Ukraine de demander son adhésion à l’Otan. Une adhésion qui serait cauchemardesque pour Moscou. « La décision de Kiev est contre-productive et ne fera qu’exacerber le climat de confrontation », a affirmé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, alors que le vice-ministre russe de la Défense, Anatoli Antonov, a menacé pour sa part : « Si la décision de Kiev prend à l’avenir un caractère militaire, nous y répondrons de façon appropriée, puis il y aura une rupture totale des liens avec l’Otan ». Tant que le bras de fer se poursuit entre les superpuissances, tout espoir de paix serait étouffé dans son berceau, de quoi réserver à l’Ukraine un sort implacable en 2015: la division.
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