Alors qu’une trêve fragile fait régner un calme précaire dans l’est ukrainien depuis une semaine, une guerre verbale entre les vrais protagonistes de la crise ukrainienne — Moscou et Washington — témoigne d’un prolongement de la crise.
En pleine tension entre les deux pays, une rencontre a eu lieu, dimanche dernier à Rome, entre le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, pour discuter de la crise ukrainienne qui a fait plus de 4 600 morts en 8 mois. Lors de la réunion, M. Kerry s’est contenté de réaffirmer à son homologue russe l’importance de mettre en oeuvre les accords de Minsk sur un cessez-le-feu global, accords signés en septembre dernier.
Selon les experts, cette rencontre vise à ne pas fermer la porte de la diplomatie entre les deux pays, après que le Congrès américain eut adopté samedi dernier une loi autorisant de nouvelles sanctions contre la Russie et une augmentation de l’aide militaire, y compris létale, à l’Ukraine. Un vote qui mécontente Moscou. De son côté, Kiev a salué ce vote « historique ». Le régime ukrainien cherche depuis des mois à convaincre ses alliés de lui vendre des armes pour équiper ses soldats, largement sous-équipés face aux rebelles soutenus par la Russie.
Malgré le vote du Congrès, Barack Obama s’oppose à cette aide militaire létale pour Kiev et se contente d’y envoyer une assistance non létale, comme des radars anti-mortiers ou des lunettes de vision nocturne.
Désormais, M. Obama doit, soit promulguer cette nouvelle loi, soit y opposer son veto. Pour l’heure, la Maison Blanche n’a pas encore dévoilé ses intentions, bien que le président américain ait qualifié de nouvelles sanctions contre Moscou de « contre-productives » si faites sans coordination avec les pays européens.
Mais le nouveau Congrès — dominé par les républicains — est décidé à exercer une pression maximale sur Barack Obama, afin de le forcer à accepter cette aide militaire pour Kiev. « Nous allons continuer à faire pression, car il est honteux et scandaleux de ne pas envoyer à l’Ukraine des armes pour se défendre », fustige le sénateur républicain John McCain.
Moscou dénonce la confrontation
La nouvelle loi du Congrès s’avère particulièrement lourde pour Moscou. Elle requiert du président américain qu’il impose de nouvelles sanctions contre Moscou, entre autres, des sanctions renforcées contre des entités du ministère russe de la Défense. Dans le secteur énergétique, la loi autorise des sanctions, notamment contre le géant Gazprom, dans le cas où il restreindrait sa fourniture de gaz à l’Ukraine, ou à des membres de l’Otan.
Cette menace de nouvelles sanctions survient alors que l’économie russe est partiellement plombée par les précédentes sanctions occidentales, bien plus par la chute des prix du pétrole. De quoi susciter la fureur de la Russie, qui a menacé de prendre des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis, en réaction à cette loi « adoptée sans débat ni vote réel, et tournée vers la confrontation », selon le ministère russe des Affaires étrangères.
Kiev reste inflexible
Sur le terrain, Kiev et les rebelles pro-russes peinent à trouver un apaisement durable. Les pourparlers de paix prévus à Minsk la semaine dernière entre Kiev, Moscou et les rebelles sont au point mort. Pour l’heure, les revendications des deux parties semblent inconciliables. Les rebelles demandent surtout que les négociations portent sur la levée du blocus économique de la zone sous leur contrôle rebelle. Leurs autres demandes concernent l’échange de prisonniers ainsi que l’application de deux lois ukrainiennes prévoyant l’amnistie pour certains rebelles et donnant davantage d’autonomie aux territoires pro-russes. Les autorités de Kiev veulent, de leur côté, une annulation des élections séparatistes qui se sont tenues le 2 novembre dans les territoires rebelles, élections largement remportées par les pro-russes.
Pour corser les choses, le ministre ukrainien de la Défense, Stepan Poltorak, vient d’annoncer vouloir augmenter ses forces armées et doubler le budget militaire, déclarant que 40 000 soldats devraient être appelés en 2015, soit deux fois plus qu’avant le début de la crise. Ces mesures renforcent le climat de méfiance entre les deux camps, de quoi assombrir le paysage politique en Ukraine et rendre de plus en plus « chimérique » un accord de paix.
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